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Comment s’y prendrait-on pour leur obéir ? En fait d’air et de locomotion, les hommes enfermés dans la cloche dépendent entièrement des appareils qui fonctionnent à la surface. L’organe principal du mouvement est une sorte de petit chariot porté sur quatre roues et glissant sur deux chemins de fer qui lui permettent d’aller et de venir dans toutes les directions. A peine le signal est-il donné d’en bas que la cloche se trouve soulevée du fond de la mer comme un lourd ballon. Cette manœuvre s’exécute naturellement au moyen de chaînes, et la diving-bell reste un instant immobile entre deux eaux ainsi que le pendule d’une horloge arrêtée. Cependant le chariot se met en marche, et comme il fait en même temps l’office de grue, la poulie à la surface et la cloche dans l’océan se déplacent à la fois. Les plongeurs appellent cela voyager. Ils vont ainsi du nord au sud, de l’est à l’ouest, en avant et en arrière. Chemin faisant, ont-ils découvert un quartier de roche qui gêne le lit du détroit, ils donnent le signal d’arrêter, et la diving-bell s’arrête, puis redescend lentement vers le bloc de pierre. Ont-ils été emportés trop loin et sentent-ils le besoin de revenir sur leurs pas, ils en, avertissent de nouveau les ouvriers qui travaillent à la surface, et la machine complaisante les ramène vers le point désiré. Cette entente cordiale entre ce qui se passe au fond de la mer et ce qui a lieu dans la région où l’on respire est la base de toutes les opérations des plongeurs. C’est ainsi que l’homme a pu renouer des communications avec un élément dont la nature semblait lui avoir fermé l’accès ; c’est ainsi que la ligne des eaux profondes n’est plus aujourd’hui un obstacle aux entreprises des ingénieurs.

Qui a inventé la diving-bell ? Les ouvriers ne sont point des savans ; je trouvai pourtant qu’ils connaissaient assez bien l’histoire de cette découverte. Selon eux, il y a lieu de s’étonner que la méthode ne soit pas plus ancienne, tant elle repose sur une théorie très simple. Qu’on plonge un verre à boire dans un volume d’eau en le présentant par l’ouverture, et l’air contenu dans ce vase chassera devant lui le liquide. Le contre-maître, qui est un homme instruit, fait remonter l’origine de la cloche au docteur Halley[1]. Sa machine était construite en bois et recouverte de plomb. L’air vicié par la respiration s’échappait de la chambre à travers un robinet, tandis que l’air pur, y était fourni par des barils qui descendaient et remontaient alternativement aux deux côtés de la cloche comme

  1. Les érudits poursuivent beaucoup plus loin la trace de cette invention à travers les âges. En 1538, deux Grecs descendirent dans un appareil au fond de la mer, en présence de Charles-Quint. C’est pourtant bien à Halley, le célèbre astronome de l’observatoire de Greenwich, qu’appartient l’honneur d’avoir inventé une machine selon les principes de la science.