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semble. Elles tuèrent ou désarmèrent tous ceux qui tentèrent de leur résister, et en deux jours elles envahirent et occupèrent de nouveau Milan. Les arquebusiers espagnols et les piquiers allemands, les hommes d’armes et les chevau-légers s’y établirent comme dans une ville conquise. Ils ne la mirent pas à sac, mais ils y vécurent à discrétion. Les piétons comme les cavaliers se faisaient donner des vivres et de l’argent par les propriétaires des maisons où ils s’étaient logés, et ils les empêchaient même de se dérober par la fuite à ces spoliations journalières[1].

Milan était dans cet état d’oppression lorsque les troupes vénitiennes, après avoir pris Lodi, avaient franchi l’Adda et opéré leur jonction avec les troupes pontificales. Les impériaux, beaucoup plus faibles que les confédérés, s’attendaient à être attaqués d’un moment à l’autre, et dans une position très désavantageuse, entre une ville désespérée et une citadelle assiégée ; mais ils ne le furent ni aussi vite ni aussi résolument qu’ils pouvaient le craindre. Le duc d’Urbin, que personne n’égalait en illustration et en autorité, et qu’une vieille expérience non moins qu’une assez grande renommée appelaient à être le généralissime des troupes confédérées, avait pris le commandement de l’armée réunie. Capitaine très circonspect d’une république fort prudente, il n’était pas plus disposé par caractère que le gouvernement vénitien par politique à donner quoi que ce fût au hasard. Bien que très supérieur aux impériaux par le nombre, il se considérait comme inférieur à eux par la qualité de ses troupes. Il n’avait que des soldats italiens, la plupart levés depuis peu et avec lesquels il ne croyait pas pouvoir affronter sans risque les vieux arquebusiers espagnols et les lansquenets allemands, également aguerris, depuis longtemps victorieux et pleins de cette confiance en eux-mêmes qui assure et perpétue les succès dans les luttes militaires. Il ne voulait rien entreprendre avant d’avoir reçu les solides bataillons de l’infanterie suisse, qu’il attendait et qui n’arrivaient pas. Il s’avança à leur rencontre, mais à pas comptés, faisant à peine deux milles par jour. Il s’arrêta à Marignan, dans le triangle que forment les trois villes de Lodi, de Pavie et de Milan, et où avait été livrée onze ans auparavant la grande bataille qui avait rendu si glorieux les commencemens du règne de François Ier. Il y était encore le 30 juin. Il s’achemina enfin et comme malgré lui vers Milan, et le 3 juillet il atteignit San-Donato à cinq milles de cette ville. Pressé par le lieutenant du pape Francesco Guicciardini, par le provéditeur vénitien Pietro da

  1. « Li Spagnoli non lassaveno de for por Milano cose che so non se potre narrare, perché non gh’ è chi le credesse. » Archivio, p. 457.