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l’argent, nous ne doutons pas que le jeu ne tourne en votre faveur et que le pape ne se repente bientôt[1]. » Afin que ce repentir du pape fût plus prompt et plus certain, Ugo de Moncada se rendit dans le royaume de Naples, pour s’entendre ensuite mystérieusement avec les Colonna[2], et ourdir contre le souverain pontife le plus perfide et le plus redoutable complot.


V

La campagne venait de s’ouvrir dans la Haute-Italie. Sans attendre les 500 lances et 4,000 hommes de pied que François Ier devait envoyer sous le commandement de Michel-Antoine, marquis de Saluces, et qui n’étaient pas encore prêts à passer les monts ; sans être joints par les Suisses que le castellan de Mus et l’évêque de Lodi levaient dans les cantons avec l’argent de la France, qui n’avait pas encore été fourni[3], les confédérés s’avancèrent vers le Milanais. Ils avaient des intelligences dans plusieurs des villes principales, lasses de souffrir la domination oppressive des étrangers. A l’aide de ces intelligences, un corps de troupes vénitiennes pénétra dans Lodi, dont les soldats impériaux ne purent pas conserver la citadelle, et que le marquis del Guasto, accouru de Milan, essaya vainement de recouvrer[4]. La prise de cette forte place, située sur l’Adda à deux marches de Milan, produisit un effet immense en Italie. L’armée entière des Vénitiens l’occupa, et, franchissant ensuite l’Adda, elle parut dans la Lombardie milanaise. L’armée pontificale se mit alors en mouvement, passa le Pô à Plaisance et opéra sa jonction avec l’armée vénitienne.

Les deux armées réunies étaient assez considérables pour entreprendre d’attaquer les impériaux dans Milan, où ils s’étaient concentrés. Ils y étaient au nombre de 7 à 8,000, tant Espagnols que lansquenets. Depuis six mois, ils avaient accablé cette malheureuse ville de leurs incessantes déprédations, de leurs violences meurtrières, et en avaient réduit les habitans au désespoir. Pescara les

  1. No dudamos que sy esto se haze como se dize, y de alla V. M. haze lo que puede especialmente en embiar dineros aca… que el juego sera ganado y el papa arepentido. » Archives de Vienne.
  2. « Yo don Ugo me partire oy a ver los Coloneses y tratar con ellos lo que se ha de hazer em servicio de Va Mad. » Ibid.
  3. I popoli sono tutti sollevati in speranza… et ogni cosa va cosi bene inviata, che sperarei fra pochi di havessimo vittoria se di Francia fosse venuto ordine delli denari. » Lettre du dataire Giberto à messer Capino, nonce en France, le 9 juin. Lettere di principi, t. Ier, f° 189. — Le 15 juillet, le nonce Capino n’avait pas reçu les 25,000 écus du premier paiement et ne pouvait pas lever les Suisses. — Lettre de Lodovico Canossa, évêque de Bayeux, ambassadeur de France à Venise, à François Ier, du 22 juillet. Ibid., t. II, f° 1.
  4. Guicciardini, Istoria d’Italia, lib. XVII.