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proclamant une sympathie ils ont manifesté une répugnance. Le vote en faveur du comte de Flandre est un vote d’exclusion contre un prince allié à la maison impériale de Russie, le duc de Leuchtenberg, dont la candidature avait été plus d’une fois insinuée. Il faut espérer que les Roumains seront laissés libres dans le choix de leur chef. Un candidat russe étant impossible, la vieille clause de la souveraineté de la Porte étant un obstacle à la candidature de tout prince occidental, c’est parmi eux, suivant toute vraisemblance, que les Roumains auront à élire leur prince. Le choix sans doute sera difficile ; en attendant, ce qu’il faut souhaiter aux Roumains, c’est la continuation de l’union patriotique à laquelle ils doivent le recouvrement de leurs libertés. L’Europe, qui les a si mal défendus contre les excentricités de Couza, est sans doute éclairée par sa propre faute ; ses regards sont aujourd’hui tournés vers eux, les Roumains sont en scène ; il dépend d’eux de nous donner un spectacle et au besoin des exemples qui augmentent l’estime et la sympathie que leur doit le libéralisme européen.

Nous avons eu raison de ne point douter des bons instincts du parlement italien. Le péril d’une crise ministérielle est encore une fois ajourné. La perception des douzièmes a été accordée au cabinet. La discussion politique s’engagera donc régulièrement, avec la liberté d’esprit nécessaire, à propos des projets financiers de M. Scialoja. S’il nous était permis de donner des avis aux hommes politiques d’Italie, nous leur conseillerions, dans cette phase délicate qu’ils traversent, de mettre leur application la plus grande à éviter d’embrouiller les questions. Ils devraient s’efforcer, suivant nous, de résoudre la question financière en ajournant et en tenant à l’écart la question politique. Quand elle sera maîtresse de ses finances, l’Italie sera maîtresse de sa politique. Si au contraire elle mêle la discussion politique à la discussion de l’équilibre des budgets, elle expose à de nouvelles complications et à de périlleux retards la solution du problème financier. Nous savons bien que la question politique est irritante pour l’Italie ; des provocations agaçantes lui arrivent sur ce point de tous côtés, un jour la dépêche de M. de Malaret, un autre jour les dépêches du livre rouge espagnol, une fois la discussion de notre sénat, une autre fois la publication de la circulaire du cardinal Antonelli, où la contradiction la plus absolue, la plus constante, la plus hostile est opposée au droit italien. L’Italie ne doit pas se laisser distraire par ces taquineries du soin de ses affaires les plus urgentes. Quant à la question financière, il nous semble qu’elle ne devrait point être choisie comme prétexte d’une lutte de partis et d’une crise de pouvoir. L’intérêt patriotique est là si pressant et si prépondérant que les rivalités devraient s’effacer et concourir plutôt en commun à la solution attendue par le pays. Il se produit au surplus dans la péninsule au sujet des finances un mouvement très significatif, et qui fait le plus grand honneur à l’esprit public italien ; nous voulons parler de la souscription nationale organisée sous les auspices du prince de Carignan. Le fonds national déjà s’élève à près de 50 millions. Cet effort commencé avec tant de