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Lorsqu’il s’agit de jalonner un chenal ou d’indiquer les contours d’un banc de sable, on emploie aussi, au lieu de pieux-balises, des bouées, qui sont de petits corps flottans qu’une ancre frappée sur le fond de la mer maintient en une position à peu près invariable. Les bouées ont encore cet avantage, qu’un navire peut s’y amarrer en attendant le moment d’entrer au port, ou, s’il sort, en attendant le moment d’appareiller. C’est même le seul mode d’amarrage dont se servent les navires de guerre sur les rades de la marine militaire. On comprend que les amers, les balises et les bouées ne sont que des signaux de jour, puisque ce sont des signaux obscurs, invisibles la nuit et par les temps de brume. On a eu l’idée ingénieuse d’attacher sur certaines bouées une cloche que l’agitation de la mer suffit à mettre en branle, si bien que le son de la cloche supplée à l’insuffisance du signal visuel, et révèle au marin qui l’entend la proximité d’un danger. Du reste la cloche est d’un usage fréquent sur notre littoral comme moyen de remplacer les fanaux, lorsque le brouillard rétrécit d’une façon notable le cercle d’action de ceux-ci. Il y a des cloches sur la plupart des jetées de nos grands ports, et on les fait sonner par volées intermittentes aux momens où cette ressource accessoire paraît nécessaire. La substitution des signaux acoustiques aux signaux visuels par les temps de brume, quand ces derniers deviennent impuissans, est un des plus importans problèmes que l’ingénieur maritime ait maintenant à étudier, et c’est un problème qui est encore bien loin d’être résolu. Il est facile de s’en rendre compte. La lumière des phares porte, on l’a vu, à plus de 50 kilomètres en temps ordinaire, tandis qu’une cloche assez volumineuse ne se fait guère entendre qu’à 1,200 mètres avec vent debout, par une bonne brise ; les vents violens peuvent même en intercepter tout à fait les sons. Les cloches, les sifflets, les trompettes, les tams-tams, ont été tour à tour mis à l’essai sans qu’aucun de ces instrumens ait donné un résultat satisfaisant. On ne saurait en aucune façon comparer l’efficacité des signaux acoustiques à celle des signaux lumineux. La question est toujours à l’étude et donnera peut-être un jour des résultats plus heureux.

Enfin, parmi toutes les indications qu’il est utile de signaler au navigateur qui se dirige vers un port, on a dû comprendre la hauteur de la marée dans le chenal où le navire va passer. Le pilote en effet, après avoir gouverné avec prudence entre les bancs et les écueils qui obstruent la rade, est exposé à s’échouer à l’entrée même du port, s’il se hasarde à y pénétrer à l’heure où la mer est basse. Des signaux de marée se font donc sur les jetées des principaux ports de la Manche et de l’Océan. Les ports de la Méditerranée n’en ont pas besoin, puisque les mouvemens de la marée y sont à