Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remarquer qu’un phare et quatre fanaux suffisent à signaler les abords de Marseille. Six phares suffisent aussi, avec quelques feux de port, pour tout le périmètre de la Corse. Quant à l’Algérie et aux autres colonies françaises, l’éclairage des côtes n’y est encore qu’ébauché. Les entrées des ports sont seules éclairées ; tout le reste du littoral est pendant la nuit dans une obscurité complète.

Les phares et fanaux de diverses grandeurs dont il a été question jusqu’ici ne sont pas les seuls monumens que la prévoyance humaine élève sur les côtes de l’Océan, afin de prévenir les naufrages. D’autres ouvrages, moins apparens, plus modestes, mais encore bien utiles, complètent l’ensemble des signaux offerts aux navigateurs. Ils se présentent sous des formes variées et portent différens noms, suivant le but qu’ils atteignent et la disposition qu’ils affectent. Ce sont d’abord les amers. On désigne sous ce nom, en terme de marine, tout objet terrestre sur lequel le marin peut prendre un repère ou un alignement. Ainsi les clochers, les moulins à vent, de grands arbres, quelquefois des rochers de forme caractéristique, servent à cet usage. Des pics isolés, comme l’Ile de Ténériffe, des volcans qui se couvrent d’un panache de fumée, comme il s’en trouve en certaines parties du globe, sont des amers gigantesques au vu desquels le navigateur rectifie sa position géographique. A défaut de ces signaux naturels, on construit des signaux artificiels, soit un grand mur en maçonnerie qui est peint en blanc pour être visible de plus loin, soit un échafaudage en charpente de forme convenue. Les signaux de cette catégorie ont surtout paru nécessaires sur la longue et uniforme ligne de dunes qui borde les départemens de la Gironde et des Landes. On y a dressé aux points les plus apparens de grands amers en bois de 20 mètres de haut.

Veut-on signaler un écueil sous-marin sur lequel les navires dépourvus d’un bon pilote courraient risque de se jeter, on y place une balise, sorte de pieu en bois ou en fer qui dépasse un peu le niveau de la mer et est surmonté d’un voyant destiné à être aperçu de loin. Parfois les balises prennent les proportions d’un monument, par exemple celle qui a été élevée sur le rocher d’Antioche, récif dangereux situé au milieu du pertuis qui sépare les îles de Ré et d’Oléron. C’est une immense carcasse en fer dont le sommet dépasse de 10 mètres le niveau des plus hautes mers. On a eu la prévoyance de la garnir d’une échelle et d’établir en haut un plancher sur lequel des naufragés trouveraient au besoin un refuge temporaire. Les balises sont le plus souvent de petites tourelles en maçonnerie qui, suivant qu’elles sont peintes en rouge ou en noir, indiquent que le navigateur doit, en venant du large, les laisser à droite ou à gauche.