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à indiquer aux navigateurs la situation des écueils sous-marins.

Du reste les tours de phare ne sont pas toujours construites en maçonnerie ; en certaines circonstances, on a employé pour ces constructions le fer et la fonte, par exemple pour les phares édifiés sur des côtes désertes ou dans des colonies dépourvues de ressources. On a fabriqué à Paris, en 1862, un phare métallique de 45 mètres d’élévation, qui a été ensuite démonté par pièces et expédié presque aux antipodes, à la Nouvelle-Calédonie, où il signale l’atterrage de Port-de-France. Des nations étrangères ont fait exécuter en France des tours en tôle pour leurs phares. Par un autre motif, on allume quelquefois des feux en haut de grands échafaudages de fer ou de charpente qui ne sont établis qu’à titre provisoire, et ont pour but de signaler des bancs de sable mobiles dont le gisement change de temps à autre. Les côtes de France en présentent de nombreux exemples. On peut citer le phare de Pontaillac, près de Royan, qui montre la route à suivre pour entrer en Gironde à travers les bancs variables de ce fleuve, et surtout le phare de Walde, simple plateforme établie sur des pieux en fer à 11 mètres au-dessus du niveau supérieur de la mer, sur une plage de sable dangereuse en face du port de Calais.

Les touristes compatissans en excursion sur le littoral ne manquent pas de plaindre le sort des malheureux gardiens de phare, qui sont relégués avec leurs familles à l’extrémité des pointes les plus avancées du continent, loin de toute habitation et de toute ressource, ou, ce qui est pis encore, seuls et bloqués par la mer sur un rocher que les eaux entourent à chaque marée ; mais que dire de ceux qui habitent les pontons flottans ? Lorsqu’il est nécessaire de signaler aux marins un banc de sable ou un récif très éloigné du rivage et de nature telle qu’un édifice stable ne saurait y être construit, on y mouille un navire à l’ancre qui reste là pendant toute l’année. Les mâts, en guise de tours, portent des feux qui en font reconnaître la position aux navigateurs. Les ingénieurs avaient douté longtemps qu’un navire pût se maintenir sans avaries et d’une façon permanente dans cette situation dangereuse. Les phares flottans sont ancrés la plupart sur des points où la mer devient parfois très grosse en raison même de la faible profondeur de l’eau, car les vagues qui roulent silencieusement en pleine mer déferlent avec impétuosité lorsqu’elles arrivent sur un sol plus élevé où la profondeur leur manque. Il y a cinq ou six de ces pontons sur notre littoral. Le plus exposé de tous est mouillé sur le plateau de Rochebonne, en avant de l’île de Ré et hors de vue de la terre. Il y a là une quinzaine d’hommes qui restent à peu près un mois sans revenir au port et qui subissent tous les dangers et les ennuis d’une