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sur une faible épaisseur, devient opaque à grande distance pour les lumières les plus intenses. Il en est surtout ainsi de l’air marin, toujours chargé de vapeurs et de brumes. L’appareil de premier ordre à feu fixe, qui produit l’éclat de 630 becs Carcel, est visible jusqu’à une distance de 18 milles marins, autrement dit à 33 kilomètres. L’appareil à éclipses de minute en minute, quoique huit fois plus intense au moment de ses éclats les plus vifs, ne porte pas à plus de 27 milles ou 50 kilomètres. Par certaines nuits, il est vrai, où l’air est d’une transparence exceptionnelle, les portées lumineuses sont supérieures, principalement sur les côtes de la Méditerranée. Il n’est pas rare que du phare du mont d’Agde on aperçoive le feu fixe du cap Béarn, quoiqu’il y ait entre ces deux points une distance de 93 kilomètres à vol d’oiseau.

Les phares des côtes de France sont presque tous illuminés avec des lampes à l’huile de colza. Il était naturel de chercher si d’autres matières combustibles ne se substitueraient pas avec avantage à cette huile, tant au point de vue de l’éclat que de l’économie. Cette dernière considération n’est pas sans importance, car la valeur de l’huile annuellement consommée dans un phare de premier ordre n’est pas inférieure à 5,000 francs. On a essayé les huiles de pétrole et de schiste, qui sont employées depuis plusieurs années à l’éclairage domestique. Elles ont, il est vrai, par rapport aux huiles grasses, l’avantage d’être moins dispendieuses et d’engendrer une flamme plus brillante, quoique moins haute. Il semblerait au premier abord que les appareils lenticulaires font d’autant mieux converger les rayons lumineux que la flamme située à leur foyer est de dimensions plus petites ; mais sans compter qu’il eût été nécessaire de modifier un peu la forme des lentilles et des prismes réfracteurs de la lanterne afin de les approprier à ce nouveau combustible, on a remarqué que le pétrole et le schiste, ne donnent pas un feu aussi régulier et que la flamme en devient aisément fumeuse, dès qu’il y a excès ou insuffisance du courant d’air qui alimente la combustion. On sait de plus que la manipulation, de ces huiles expose à des dangers d’incendie qui eussent été d’autant plus graves dans un phare que les approvisionnemens y sont de toute nécessité très considérables. En raison de ces divers motifs, les huiles de pétrole et de schiste ont été déclarées impropres à l’éclairage des phares importans, et l’on n’a trouvé à les employer avec sécurité que dans des fanaux ou feux de ports où les mêmes inconvéniens n’ont plus un caractère d’extrême gravité.

D’autres modes d’éclairage, qui ont été proposés tour à. tour et essayés l’un après l’autre par l’administration des phares, n’ont pas eu en définitive plus de succès, à l’exception de la lumière