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M. Becquerel, dans un mémoire présenté à l’Académie des Sciences le 22 mai 1865, rapporte les expériences qu’il a faites à ce sujet, et desquelles il résulte que les arbres s’échauffent et se refroidissent très lentement, que par conséquent ils prennent à l’air ambiant pendant les heures les plus chaudes une partie de sa chaleur pour la lui restituer quand la température s’abaisse. Le tronc des arbres n’atteint la température maxima qu’après le coucher du soleil, et lorsque les feuilles se refroidissent par l’effet du rayonnement nocturne, elles reprennent au corps de l’arbre ce qu’elles ont perdu et rétablissent ainsi l’équilibre. D’après le savant académicien, les parties occidentales de l’Europe doivent la douceur de leur climat aux courans d’air chaud qui arrivent du Sahara dans la direction du sud et du sud-ouest. Si ces déserts se couvraient quelque jour de forêts, notre climat deviendrait aussi rude que celui de l’Amérique septentrionale, qui n’est pas exposée aux mêmes influences, puisque les régions tropicales de ce continent sont précisément très boisées.

M. Becquerel a soumis encore à l’Académie une carte des orages à grêle survenus dans les départemens du Loiret et de Loir-et-Cher, dressée au moyen des documens fournis par les compagnies d’assurances, et sur laquelle les zones sont diversement teintées suivant qu’elles sont plus ou moins exposées à ces orages. L’inspection de cette carte montre non-seulement que les forêts sont très rarement grêlées, mais encore qu’elles garantissent les régions voisines. M. Becquerel explique cette influence par ce fait, que les forêts, en arrêtant les vents, occasionnent des remous atmosphériques et provoquent la résolution des nuages avant qu’ils aient atteint la forêt ; il suppose aussi que, l’électricité jouant dans ce phénomène un rôle prépondérant, les arbres agissent comme des paratonnerres qui enlèvent aux nuages leur électricité et empêchent la formation de la grêle. Il termine son mémoire en exprimant le désir que des études semblables soient entreprises dans tous les départemens, et il ne doute pas qu’elles ne viennent confirmer entièrement ses propres expériences.

Les forêts n’agissent pas seulement sur l’atmosphère comme cause frigorifique, elles assainissent bien souvent certaines contrées soit en les abritant contre les vents dangereux, soit en décomposant les miasmes que renferme l’atmosphère. Ces miasmes sont généralement dus à l’hydrogène carboné qui se dégage des marais ; or les arbres, en absorbant le carbone, dégagent l’hydrogène, qui n’exerce par lui-même aucune action pernicieuse. L’exemple le plus remarquable qu’on puisse citer de cet effet est la Sologne, qui, renommée jusqu’ici pour son insalubrité à cause des nombreux marais qui la couvrent, devient, depuis qu’on y a entrepris des