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et en a confié la gestion à une administration spéciale, qui est chargée de la conservation, de l’entretien et de l’exploitation des massifs. Les rapports annuels qu’elle publie (selections front the record of the government of India) témoignent de l’importance de ce service, « Ce qu’il y a de regrettable, dit en effet le docteur Cleghorn, conservateur des forêts de la présidence de Madras, c’est que dans tout l’empire indien il existe d’immenses et précieuses forêts exposées aux dévastations des natifs, aux exploitations abusives des spéculateurs, faites sans préoccupation d’avenir et totalement soustraites au contrôle de l’autorité. Les conséquences funestes de cette disparition des bois commencent déjà à se manifester et exigent impérieusement qu’on prenne des mesures pour faire respecter dans l’intérêt de tous cette propriété publique. » C’est donc à tort qu’on invoque ici l’autorité de l’Angleterre, et lors même que les partisans des aliénations pourraient s’en prévaloir, nous ne voyons aucun motif pour suivre son exemple, si nous avons d’ailleurs de bonnes raisons de faire le contraire.

Passant à des considérations d’un autre ordre, nous voyons que les forêts ne nous sont pas moins indispensables. On s’est longtemps demandé si la présence des forêts exerce une action quelconque sur la température d’une contrée. Les uns ont dit oui, les autres non, et dans la discussion de 1865, au sénat, M. Fould s’est fait de ces contradictions un argument pour s’autoriser à rester dans le doute. Le doute est-il cependant permis en pareille matière ? Il résulte de nombreuses observations faites par des voyageurs, par des savans de tous les pays, — notamment MM. de Humboldt, Boussingault et Becquerel, — que les forêts tendent en général à abaisser la température, parce qu’elles abritent le sol contre l’irradiation solaire, qu’elles entretiennent par le fait de la transpiration des feuilles une grande quantité d’humidité dans l’atmosphère, et qu’elles multiplient par l’expansion des branches l’étendue des surfaces qui se refroidissent par rayonnement. C’est dans les pays tropicaux que ces causes frigorifiques agissent avec le plus d’énergie, et elles contribuent à y tempérer la chaleur, à provoquer des pluies bienfaisantes.

Dans nos climats, où la transpiration des feuilles et le pouvoir émissif des plantes sont moins intenses, il peut arriver que l’action frigorifique de certaines forêts soit masquée par des circonstances locales, telles que la direction des vents dominans et la situation topographique des lieux que l’on considère. Aussi ne peut-on dire d’une manière générale quelle sera la conséquence de la disparition d’une forêt déterminée ; mais ce qu’on peut affirmer, c’est que si nos départemens méridionaux étaient plus boisés, ils seraient à l’abri des sécheresses qui les désolent presque chaque année.