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rassemblaient, non loin de sa frontière orientale, à Chiari, dans le pays de Brescia. Elles étaient placées sous les ordres de l’expérimenté, mais trop circonspect Jean-Marie de la Rovere, duc d’Urbin, alors général de la république et bientôt généralissime de la ligue. Les deux armées, après leur jonction, devaient s’élever à 20,000 hommes de pied, 2,000 hommes d’armes et plus de 2,000 chevau-légers, le contingent de Francesco Sforza, toujours assiégé par les impériaux dans la citadelle de Milan, ayant été fidèlement fourni par le pape et les Vénitiens.

Les potentats italiens, avec un élan national et une patriotique promptitude, avaient tout disposé pour arriver aux fins qu’ils s’étaient proposées, en concluant la ligue. Ils avaient été prêts à entrer en action presque aussitôt qu’ils avaient traité, et ils étaient en mesure d’attaquer les ennemis de l’Italie avant que ceux-ci fussent en état de se défendre. Jamais Clément VII n’avait montré tant de résolution[1]. Il étonnait par sa hardiesse, et à sa parole décidée on ne reconnaissait plus le caractère incertain dont il avait donné tant de marques depuis son avènement au pontificat. Au commencement de juin, le duc de Sessa, soupçonnant aux préparatifs militaires de Clément VII ses projets hostiles, essaya de regagner le pape ou de l’intimider. Il se rendit au palais pontifical avec un grand cortège, et, s’adressant à Clément VII, il lui demanda ce que signifiait cette ligue dont on parlait tant ; il lui offrit des satisfactions qu’il crut propres à l’en détacher en le rassurant. Il lui proposa, au nom de l’empereur, de rétablir le duc Francesco Sforza dans le duché de Milan, d’où sortiraient tous les soldats impériaux. Clément VII dit nettement à l’ambassadeur de Charles-Quint qu’il s’était allié avec les Vénitiens et le roi de France, et qu’il ne pouvait plus rien faire que d’accord avec eux. Le duc de Sessa lui ayant alors demandé s’il entendait entrer en guerre avec les impériaux, car dans ce cas il voulait aller au camp pour s’acquitter de son devoir : a Vous êtes libre d’aller ou de demeurer, répondit le pape ; quand je voudrai faire la guerre, vous l’entendrez aux trompettes[2]. »

En même temps qu’il se montrait si résolu à l’égard des Espagnols, qu’il envoyait ses troupes en Lombardie, il faisait venir à Rome, contre la puissante faction des Colonna, le comte de Peti-gliano, le comte de L’Anguillara et les principaux des Orsini, qu’il

  1. « Il n’est possible, sire, de veoir homme plus content ne délibéré qu’est le pape, qui s’est levé le masque tout et oultre et parle de présent sans nul respect, de quoy tant de gens sont esbays. » Lettre de Nic. Raince à François Ier, du 9 juin 1526. — Mss. Bé(hune, vol. 8509.
  2.  » Sa sainteté me dit, sire, lui avoir respondu, etc. » Même lettre de Nic. Raince, du 9 juin 1520, à François Ier.