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shilling au trésor, ils se sont procuré le plus considérable de tous les réseaux de chemins de fer de l’Europe et le service le plus abondant. Toutefois cette omnipotence du parlement commence à inspirer des défiances ; le pouvoir absolu, qu’il soit exercé par un homme, par une bureaucratie ou par une assemblée élective, ne sera jamais goûté du public anglais, et voilà que des protestations se font déjà entendre contre l’autorité exclusive que le parlement est parvenu à se réserver en matière de chemins de fer. Dans un banquet solennel, le président de la chambre de commerce de Liverpool s’est fait récemment sur ce point l’organe du sentiment public ; mais lord Stanley, qui lui a répondu, n’a pas osé s’expliquer sur un sujet aussi délicat et qui touche particulièrement un si grand nombre de ses collègues : c’est là en effet ce dont on se plaint. Les compagnies, voyant que tout dépend du parlement, ont naturellement fait tous leurs efforts pour absorber dans le sein de leurs conseils le plus grand nombre possible de membres des deux chambres, qui les représentent, qui les défendent dans les comités et qui votent les bills. Elles sont arrivées aujourd’hui à compter parmi leurs administrateurs presque un tiers des communes, si bien que le public commence à craindre que, dans une question où l’intérêt général ne serait pas d’accord avec celui des compagnies, il ne se trouvât déjà presque une majorité tout acquise aux compagnies. On le craint d’autant plus qu’une très forte proportion de ces administrateurs se compose d’hommes en réalité assez peu familiarisés avec le commerce, la finance et l’industrie, de propriétaires ou de personnages appelés dans les conseils pour leur nom, pour leur situation sociale, pour opiner du bonnet et couvrir du prestige de leur considération personnelle la responsabilité des véritables hommes d’affaires. C’est à ceux-là que l’on s’en prend. Toutefois c’est une question qui ne sera probablement pas encore résolue de si tôt, mais on peut dès ce moment s’attendre à la voir introduite dans le parlement, qui finira par être contraint de renoncer à l’absolutisme de ses prérogatives pour les partager avec quelque institution publique qui est encore à créer. Les chemins de fer sont devenus une partie trop considérable de la richesse, un instrument trop puissant de la vitalité nationale, un objet de nécessité première trop impérieuse pour que les Anglais en abandonnent le gouvernement à une seule main.

Après la finance viennent dans la nouvelle chambre les hommes de loi, avocats, solicitors, attorneys, etc., qui exercent encore leur profession et qui en vivent. Ils sont cinquante environ, soït un peu plus que le treizième du nombre total des députés. Ils sont répandus, dans tous les partis, ne comptent parmi eux que deux ou trois