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travaux publics. Tout en ce genre ou du moins presque tout se fait par les soins des localités ou de l’industrie privée, sans aucune participation du gouvernement, et en dehors de lui. Il n’a même pas voix délibérative pour le tracé d’une route ou d’un chemin de fer, c’est au parlement qu’appartient le droit exclusif d’instruire les affaires de cette sorte par ses comités et d’en décider souverainement, sans que le ministère ait rien à y voir, si ce n’est pour donner la sanction royale aux innombrables bills que chaque session voit éclore.

Un autre avantage de la situation qu’en Angleterre la force des choses impose au pouvoir vis-à-vis des électeurs, c’est qu’elle laisse la carrière libre de tout obstacle déloyal à ceux qu’il est le plus désirable de voir parvenir à l’honneur de la députation. N’étant distraits de leurs sympathies véritables ni par la crainte de n’avoir point part aux faveurs du budget, ni par le désir de les accaparer, les électeurs se portent franchement du côté de celui qu’ils croient le plus capable de les représenter, et comme leur qualité d’Anglais ne leur donne pas plus qu’à d’autres le privilège d’être en rapport avec tous les personnages du monde politique, c’est presque toujours autour d’eux, parmi leurs voisins, chez ceux qu’ils connaissent et dont l’existence s’est passée ou se passe au milieu d’eux, qu’ils choisissent leurs représentans. Sauf dans un petit nombre de cas, une élection anglaise est une affaire strictement locale. Je sais que beaucoup de beaux esprits, loin de voir à cela un avantage, y voient au contraire une cause irrémédiable de médiocrité et presque un ridicule. Ils accablent de plaisanteries ce qu’ils appellent les illustrations de clocher. N’en déplaise aux illustrations inconnues et aux génies ignorés qui comptent sur la faveur de quelque personnage pour se faire imposer par les bureaux d’une administration centrale aux électeurs de quelque province où peut-être ils n’ont eux-mêmes jamais mis les pieds, ce système a beaucoup de vertus. Ne se recommandât-il pas par ailleurs, ce serait déjà un très grand bien que de ne fournir aucun terrain pour se développer à ces parasites qui croissent si facilement en d’autres pays à l’ombre du pouvoir, qui vivent de sa substance, qui font le vide autour de lui, et qui lui sont ordinairement bien plus nuisibles que ses ennemis déclarés.

D’un autre côté, les lois et les mœurs, plus fortes que les lois, empêchent que l’on puisse rechercher la députation pour une autre. fin que l’honneur qu’elle rapporte ou l’espérance de jouer un rôle utile dans les affaires de son pays. On entre à la chambre des communes pour y soutenir de certaines doctrines, et l’on n’y peut guère entrer que pour cela. Toutes les fonctions salariées sont interdites à ses membres ; il n’est fait d’exception que pour les