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part, sauf dans les villes que je viens d’indiquer, il ne pourrait compter sur eux comme sur un appoint électoral. Les paroisses, les villes et les comtés se gouvernent, s’administrent eux-mêmes, nomment eux-mêmes leurs fonctionnaires, si bien qu’il y a certainement bon nombre de collèges où ne figurent pas dix électeurs fonctionnaires du gouvernement royal. Les maires et leurs adjoints, les maîtres d’école, les gardes champêtres, les officiers de police, tous ces fonctionnaires dont les Anglais ne peuvent pas se passer plus que nous, sont tous nommés par l’élection ou par les pouvoirs locaux dans la plus parfaite indépendance du gouvernement. Celui-ci ne dirige que la police de Londres (moins la Cité) et celle de l’Irlande. Il a la nomination de quelques grands emplois judiciaires, mais le nombre en est infiniment petit ; quinze juges suffisent, avec l’aide des magistrats locaux qui instruisent les affaires et des jurés qui en décident, à faire le service de toutes les sessions des cours d’assises de l’Angleterre proprement dite. D’ailleurs, le pouvoir judiciaire étant regardé par les Anglais comme une des branches de la souveraineté, les juges n’ont rien à voir dans les élections, qui sont pour les citoyens l’attribut de leur part propre de souveraineté ; les juges ne sont pas même électeurs. L’église a sa fortune à part, qu’elle administre elle-même ou avec le concours de certains corps électifs ; elle ne dépend du gouvernement ni pour son budget, ni même pour ses emplois, car le gouvernement n’a pas à sa nomination le douzième du nombre des bénéfices ecclésiastiques. Dans l’armée, il ne nomme guère que les généraux ; les grades s’achètent dans l’infanterie et dans la cavalerie ; ils se donnent exclusivement à l’ancienneté dans l’artillerie, dans le génie et dans le corps des soldats de marine. La marine peut être dans les mains du gouvernement un moyen d’influence un peu plus efficace, car il nomme tous les officiers au choix jusqu’au grade de capitaine de vaisseau ; mais les grades d’officiers-généraux appartiennent tous à l’ancienneté. Il reste les emplois diplomatiques, ceux du département des finances et du service colonial, qui constituent certainement un respectable patronage, au loin surtout, mais qui ne sont pas assez nombreux pour permettre d’exercer une pression quelconque sur les élections. Il est donc vrai de dire que, même s’il voulait entreprendre de le faire, le gouvernement anglais est mis dans l’impossibilité d’agir sur les élections par les appâts qu’il pourrait offrir aux convoitises individuelles. Sous ce rapport, il est presque complètement désarmé, et il ne l’est pas moins vis-à-vis des intérêts collectifs. Il n’a en effet à sa disposition aucunes promesses de routes ou de canaux, de ponts ou de chemins de fer, de garnisons ou de grands établissemens militaires avec lesquelles il puisse séduire les populations. Il n’y a pas en Angleterre de ministère des