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Il était spécifié dans le traité de Cognac : 1° que le duc Sforza recouvrerait la pleine et libre possession du duché de Milan et que les états de l’Italie seraient replacés dans la position où ils se trouvaient avant la guerre ; 2° que les enfans du roi de France donnés en otages à l’empereur seraient délivrés moyennant une rançon raisonnable en argent ; 3° que l’empereur n’irait se faire couronner en Italie qu’avec la suite qui conviendrait au pape et aux Vénitiens, et qui serait fixée en vue de la sécurité commune ; 4° que, trois mois après la conclusion du traité, il paierait toutes les sommes qu’il devait au roi d’Angleterre. Ces quatre conditions qu’on imposait à Charles-Quint, en lui offrant d’entrer dans la ligue, étaient trop contraires à sa puissance et à son honneur pour qu’il les acceptât. Comme il ne voudrait certainement pas y souscrire, il fallait préparer les moyens de l’y soumettre. Dans la prévoyance de ses refus, les confédérés décidaient la formation d’une puissante armée capable de soustraire l’Italie à sa dépendance et de lui arracher la délivrance des enfans de François Ier.

Chacun des confédérés devait y contribuer dans des proportions habilement déterminées. Le pape et les Florentins mettraient en campagne 800 hommes d’armes, 700 chevau-légers et 8,000 fantassins ; les Vénitiens, 800 hommes d’armes, 1,000 chevau-légers et 8,000 fantassins ; le duc de Milan, 400 hommes d’armes, 300 chevau-légers et 4,000 fantassins. En attendant que Francesco Sforza fût débloqué et qu’il pût fournir son contingent militaire, le pape et les Vénitiens se chargeaient de le fournir à sa place. Le roi très chrétien devait faire passer immédiatement 500 lances françaises au-delà des Alpes, payer chaque mois au pape et aux Vénitiens 40,000 écus, avec lesquels serait levé et soldé un corps considérable de Suisses. Il ferait en même temps la guerre à l’empereur, au-delà des Pyrénées, avec une armée de 2,000 lances et de 10,000 hommes de pied pourvue d’une artillerie convenable[1]. La ligue, que ces forces ne pouvaient que rendre victorieuse, si elles étaient réunies à temps et si elles agissaient de concert, devait être plus aisément encore maîtresse de la mer par les douze galères qu’équiperait le roi de France, les treize qu’armeraient les Vénitiens, et par les trois galères pontificales auxquelles se joindraient les galères du plus célèbre marin de ce temps, André Doria, que Clément VII prenait à sa solde. La flotte combinée devait se porter devant Gênes pour s’en emparer, et, après que l’armée de l’empereur aurait été battue en Lombardie, se diriger vers le royaume de Naples, qui serait alors puissamment attaqué par terre et par mer.

  1. Traité de Cognac, dans Dumont, Corps diplomatique, t. IV, part. Ire, p. 451-454.