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d’abord les amis de la régence ; aussi, dès qu’il y a rupture de ce côté, le seigneur de Koukou se rapproche-t-il des Turcs, jusqu’à leur fournir à son tour des contingens. Lorsque Hassan-Pacha échoue dans sa demande de mariage avec la fille d’Abd-el-Aziz, le roi de Koukou lui accorde sa propre fille ; lorsque Hassan dirige contre les Abbès l’attaque où Abd-el-Aziz devait périr, les auxiliaires de Koukou sont présens, et c’est même à eux qu’il doit le seul succès de sa campagne, la mort de son ennemi. Pour récompense, les Kabyles de la confédération zouavienne furent admis en grand nombre dans Alger, purent y faire le commerce, acheter des armes, jouir de tous les droits et se regarder bientôt comme chez eux, sous les auspices du gendre de leur chef. Cependant l’ombrageux odjack ne pouvait longtemps souffrir la présence d’un élément indigène qui vînt partager ses privilèges : le pacha, menacé par. sa propre milice, dut retirer aux Zouaouas sa bienveillance et répudier la fille de leur roi. Les Zouaouas partirent, emmenant la répudiée dans leur montagne et rompant pour toujours l’alliance de Koukou avec Alger, alliance qui ne fit que trop défaut à l’odjack lors d’une levée de boucliers nouvelle des Aït-Abbès en 1590. Malgré ses 12,000 fusiliers, ses 1,000 spahis et 4,000 auxiliaires arabes, Kheder-Pacha resta deux mois, suivant le chroniqueur espagnol Hœdo, au pied du massif des Abbès, détruisant leurs arbres et récoltes sans les amener à-composition ; il fallut, pour rétablir la paix, qu’un marabout kabyle intervînt, faisant honte aux uns et aux autres de se battre ainsi entre musulmans au lieu de réserver en vrais fidèles toutes leurs forces contre la chrétienté.

Le XVIIe siècle est fort pauvre en données historiques. Quand le père Dan nous raconte le massacre, sur la plage kabyle de Zeffoun, d’un moine et de quelques soldats espagnols victimes d’un piège que le neveu du roi de Koukou avait tendu à leur crédulité, l’histoire a tout dit. Un nom kabyle cependant brille alors d’un vif éclat dans la légende djurdjurienne ; le cheik Gassem-ben-Mohammed fait retentir du bruit de sa puissance toute la région comprise aujourd’hui dans le cercle de Dra-el-Mizan. Marabout et guerrier, il avait soumis à sa loi des peuplades jusqu’alors impatientes du joug d’un seul ; sa demeure, dans la montagne des Guechtoulas, formait une vraie forteresse ; ses richesses étaient immenses ; cent chevaux blancs, cent noirs, cent gris, cent alezans, tous de race choisie, faisaient son orgueil[1]. Or Gheik-Gassem avait un fils

  1. Nous empruntons ces détails à une originale notice de M. l’interprète Guin. Il est une aide encore dont nous ne saurions trop nous louer, l’aide savante que nous a prêtée, dans la difficile recherche des traditions locales inédites, M. le capitaine Jobst, commandant supérieur de Dra-el-Mizan.