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Maures ennemis jusques aux portes. Pendant trois jours se firent processions générales où ladite majesté fut en personne, estant chacun confessé et ayant receu son Créateur, luy demandant miséricorde et le priant de vouloir envoyer le temps propice pour partir dudit lieu. »

Khaïr-ed-Din ne défendit pas lui-même sa capitale contre Charles-Quint. Nommé grand-amiral par le sultan, il avait déjà quitté Alger pour Constantinople, confiant à Hassan-Agha son héritage, qui valait bien une couronne, et laissant le gouvernement de la régence définitivement constitué. Le chef en devait être désormais un pacha vassal de la Porte et désigné par elle, ayant pour conseil un divan composé des chefs militaires et pour instrument principal de domination la milice turque connue sous le nom générique d’odjack. — Ce prestige croissant de la puissance algérienne et ses victoires sur l’Espagne menaçaient naturellement la ville de Bougie d’une chute de plus en plus prochaine. Au reste, pendant les quarante-cinq ans que les Espagnols passèrent à Bougie, ils n’en retirèrent vraiment aucun avantage. Ce n’était plus cette jolie et opulente cité, la petite Mecque du moyen âge, place de commerce de premier ordre, peuplée de dix-huit mille âmes et fréquentée des Pisans, Génois, Florentins, Catalans, Marseillais. Non, c’était une forteresse bloquée incessamment, que la vaillance de sa garnison sut longtemps conserver, alors que Turcs et Kabyles conspiraient à l’envi contre elle ; tôt ou tard elle devait succomber. C’est au pacha d’Alger, Salah-Raïs, que revint, avec l’aide des montagnards, l’honneur de la réduire. Attaqués par terre et par mer, privés de vivres et sans espoir de secours, les cinq cents Espagnols de Bougie capitulèrent en 1555, après vingt-quatre jours de siège : leur commandant, don Alfonso de Peralta, fut rapatrié par une caravelle française ; mais, à peine débarqué en Espagne, on se saisit de lui sur l’ordre du roi. Il comparut devant un conseil de guerre, et pour n’être pas mort à son poste il eut la tête tranchée sur la grande place de Valladolid.

Ici commence, pour durer jusqu’à la fin du XVIe siècle, la rivalité fameuse des rois de Koukou et des Aït-Abbès, rivalité dont les pachas profitent, faisant la guerre avec l’un contre l’autre jusqu’au jour où ils les froissent et se les aliènent tous les deux. L’historien Marmol prête à cette période un attachant intérêt, et à la figure du chef des Abbès, Abd-el-Aziz, un caractère qui en fait une figure historique. Si Abd-el-Aziz penche tout d’abord vers l’alliance des Turcs, c’est à cause de leurs dispositions hostiles pour le roi de Koukou, son ennemi. Il leur fournit donc des renforts pour leurs expéditions diverses, il guide Salah-Raïs dans une course aventureuse jusqu’aux oasis de Tougourth et de Ouergla, « et avec lui les Turcs