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inspirer quelque hésitation. Dans d’autres temps, les importations et les exportations se balançaient, surtout si l’on avait soin de faire entrer en ligne de compte le mouvement des métaux précieux. Nos exportations restaient toujours un peu au-dessus de nos importations ; l’or et l’argent comblaient l’intervalle. Aujourd’hui l’excédant d’exportation est devenu énorme, et l’entrée des métaux précieux, quoique très accrue, ne suffit plus pour combler la différence. En 1865, l’exportation a dépassé l’importation de 417 millions, ou, si l’on retranche 224 millions d’or et d’argent, de 200 millions environ. D’où vient cette anomalie ? Les anciens partisans de la balance du commerce l’auraient vue avec joie, mais les idées ont changé. L’importation est considérée de nos jours comme plus utile que l’exportation, en ce sens que la richesse intérieure s’accroît par ce qui entre et diminue par ce qui sort ; un vase qui recevrait moins d’eau qu’il n’en verserait finirait par se vider. L’Angleterre présente le phénomène inverse ; les importations y dépassent les exportations, et, au lieu de s’en plaindre, on s’en applaudit. Cet excédant d’importations passe pour un tribut que le reste du monde paie à l’Angleterre : le contraire arriverait, si elle s’endettait ; mais c’est le reste du monde qui lui doit et qui s’acquitte en marchandises.

Cette singularité s’expliquera peut-être chez nous par de simples erreurs d’évaluation ; que les marchandises exportées soient évaluées dans l’ensemble 6 pour 100 plus bas, et l’anomalie disparaît. Or, quelque soin que prenne la commission des valeurs, des erreurs de 6 pour 100 sont faciles. Nous ayons déjà signalé sur les vins une exagération manifeste ; tous les vins qui sortent de France sont estimés en moyenne 100 francs l’hectolitre, — ce qui peut être vrai d’une partie, mais ne l’est certainement pas du tout. Avec deux ou trois rectifications du même genre, la somme des exportations se réduirait des 200 millions qui forment aujourd’hui la différence. Ces rectifications se feront, si elles sont justes. Les évaluations portées au tableau des douanes pour 1865 ne sont que provisoires ; la commission des valeurs n’a pas encore fait son travail pour cette année ; on a provisoirement adopté pour 1865 les bases qu’elle avait fixées pour 1864 : tout peut donc changer par la révision définitive, les prix des marchandises ayant généralement baissé en 1865.

Cette première difficulté levée, si l’on pénètre dans l’examen des détails, on trouve des faits non moins dignes d’attention. Les importations ne se sont accrues que de 340 millions depuis cinq ans, et ce faible accroissement porté tout entier sur trois articles, la soie, la laine et le coton. Or il est facile de montrer qu’au lieu d’indiquer un progrès, ce surcroît d’importation accuse un déclin, soit dans notre production agricole, soit dans notre production manufacturière. Il est entré en 1865 pour 113 millions de soie brute de plus