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indépendant, parfaitement rétribué, surtout eu égard à la modicité de tous les traitemens civils en Suisse. On lui a très bien enseigné les premiers élémens des sciences naturelles, la botanique, la chimie, la physique, l’économie rurale. Cet enseignement, il en a gardé une vive empreinte parce qu’il l’a reçu au milieu des collections, ou en face de la nature. Cette science vivante et pratique, il la communique de même à ses élèves. Pour développer les forces du corps, on a recours à ces exercices de gymnastique dont la Grèce ancienne tirait un si merveilleux parti. Dans beaucoup d’écoles, on apprend aussi le maniement des armes, et dans les villes on enrégimente les enfans en des corps de cadets organisés militairement, faisant l’exercice à feu au fusil et au canon, exécutant des marches et se rendant au camp une fois dans l’année. Ainsi se perpétuent, se répandent et se perfectionnent ces habitudes martiales qui, devenues un trait du caractère national, permettent à la Suisse de se passer d’armée permanente, de compter sur ses milices, et de ne donner pour sa défense que 1 1/2 franc par tête, au lieu de 10 à 15 francs qu’on paie ailleurs.

Parmi les cantons qui ont le mieux organisé l’enseignement primaire, il faut citer Zurich, Bâle, Vaud, Neuchatel, Genève. — Zurich, avec une population de 266,265 habitans, dépense pour l’instruction primaire environ 1 million 1/2, dont 1 million fourni par les communes, et le surplus par le canton. Cette somme, répartie par tête, donne à peu près 5 francs 1/2, exactement le chiffre dépensé dans l’Union américaine pour le même objet. Pour s’élever au niveau du canton de Zurich, la France devrait porter son budget de l’instruction primaire à 200 millions ; elle en est loin. Parmi les districts zurichois, il en est encore qui se distinguent d’une manière tout exceptionnelle par les sacrifices qu’ils font pour répandre l’instruction. Ainsi celui de Winterthur, qui ne compte que 32,000 âmes, dépense par an 126,694 francs sans compter les frais d’érection d’écoles nouvelles. La petite ville de Winterthur n’a que 5,000 habitans ; mais son industrie l’enrichit, et elle tire de beaux revenus de ses propriétés communales. Or à quoi emploie-t-elle son argent ? À des embellissemens de l’ordre matériel, à des théâtres, à des palais ? Non, à développer la vie intellectuelle, à bâtir des écoles : dans ces dernières années, elle en a construit trois, situées au milieu de beaux jardins, et dont la moindre a coûté plus d’un demi-million.

Dans la plupart des cantons catholiques, l’enseignement primaire a été longtemps négligé ; jusqu’en 1830, les écoles étaient très rares et l’ignorance générale. La loi de 1831 obligea chaque localité à ouvrir une école et les parens à y envoyer leurs enfans de 6 à