Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/1004

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Angleterre ; mais il est du moins certain qu’un protestant qui ne sait pas lire ne peut remplir l’un des premiers devoirs que son culte lui impose. Le clergé réformé a été ainsi conduit à pratiquer le principe de l’instruction obligatoire : il a énergiquement soutenu l’état quand il a imposé la fréquentation de l’école, tandis que le clergé catholique, ou bien s’est opposé à cette mesure, ou bien ne l’a que mollement appuyée. Il est une autre différence encore qu’il faut noter : la communion catholique se fait vers onze ans, la communion protestante vers seize. L’instruction religieuse retient ainsi les enfans à l’école plus longtemps dans les pays réformés que dans les pays catholiques. Il est donc bien plus difficile d’obtenir dans ceux-ci une fréquentation régulière de l’école et une diffusion générale de l’instruction. C’est pour ce motif qu’il est à la fois plus nécessaire et moins facile d’y établir l’enseignement obligatoire, et que l’opinion publique doit faire ce que le culte opère ailleurs.


III

La comparaison des résultats obtenus en Belgique et en Suisse nous montrera les mêmes différences que nous venons de constater entre la France et la Prusse. En Belgique, malgré les efforts sérieux qu’on a faits depuis quelques années, malgré une législation assez bonne et de notables sacrifices d’argent, on trouve une ignorance persistante. En Suisse au contraire, on voit l’instruction généralement répandue grâce à l’enseignement obligatoire.

Pendant la réunion de la Belgique à la Hollande, le gouvernement du roi Guillaume s’efforça de répandre l’instruction dans les provinces méridionales. Celles-ci, catholiques et encore brisées des suites de la domination énervante de l’Espagne et de l’Autriche, étaient très arriérées. L’application de la loi et des méthodes hollandaises, qui étaient excellentes, fit beaucoup de bien. Malheureusement, après la révolution de 1830, les communes, laissées à elles-mêmes, abandonnèrent presque partout l’œuvre si heureusement commencée : preuve nouvelle qu’on ne peut confier l’instruction populaire exclusivement aux administrations locales sans la compromettre et la ruiner. Les cours et les institutions destinés à former de bons maîtres disparurent. Beaucoup de communes, jusque-là contraintes de porter à leur budget des sommes réservées à l’enseignement, profitèrent de leur autonomie pour les supprimer. La misère atteignit la plupart des instituteurs. Presque tous cherchèrent un métier qui leur assurât au moins de quoi vivre ; ceux-là seuls restèrent qui ne se trouvaient propres à aucune autre profession. A une réaction aveugle contre le système hollandais, qui