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le manquement régulier aux paroles contraintes, il est saisi de certains scrupules, et il déclare qu’il ne veut pas frustrer l’empereur de ce qu’il lui doit pour la liberté qu’il va prendre. Seulement ce qu’il doit, il se reconnaît le pouvoir de le déterminer lui-même. Il dit « que pour mettre Dieu et la justice de son côté, il entend faire envers l’empereur tout ce qu’un roi prisonnier de bonne guerre peut et doit raisonnablement faire. La rançon qu’il offrira rendra manifeste à chacun qu’il veut faire justice de lui-même et se mettre en son devoir. » Après s’être attribué subtilement un droit qu’il n’avait pas, avoir annoncé la rupture audacieuse du traité qu’il allait conclure, il commanda de nouveau à ses trois ambassadeurs de signer le lendemain l’engagement qu’il rompait d’avance la veille, les rendant ainsi confidens et complices de son futur parjure.

Le 14 janvier en effet, ce traité lui fut solennellement soumis, et rien ne fut oublié de ce qui pouvait le lier de la manière la plus irrévocable. Un autel avait été dressé dans sa chambre. L’archevêque d’Embrun y dit la messe. La messe finie, le traité fut lu en présence des six plénipotentiaires qui l’avaient négocié, et le roi fit serment sur l’Évangile, de l’exécuter fidèlement. Les plénipotentiaires en jurèrent aussi l’observation, et le traité fut signé par François Ier, l’archevêque d’Embrun, le président de Selve et Chabot de Brion, d’un côté, par le vice-roi de Naples Lannoy, le prieur de Messine Ugo de Moncada, et le secrétaire Jean Lallemand, de l’autre[1]. Charles-Quint ne devait signer que plus tard. Après l’engagement du monarque, François Ier fut invité à prendre l’engagement du chevalier. Lannoy le lui demanda de la part de l’empereur, et François Ier n’hésita point à accorder cette sûreté de plus, bien qu’il eût, dit-il, donné suffisamment sa foi en jurant et en signant le traité qui venait d’être lu. Il ajouta qu’il tenait Lannoy pour gentilhomme de nom et d’armes connues, et que, l’empereur lui ayant conféré le pouvoir de prendre son serment, il le rendait de son côté apte à le recevoir. Alors debout, la tête découverte, la main placée dans celle du vice-roi de Naples, il prononça, conformément aux termes du traité et à haute voix, ces paroles : « Je, François, roi de France, gentilhomme, donne ma foi à l’empereur Charles, roi catholique, gentilhomme, en la personne de vous, Charles de Lannoy, commis et habilité par lui et par moi pour la recevoir, que, en cas que six semaines après le jour que l’empereur m’aura fait délivrer et effectivement mis en liberté dedans mon royaume de France, je ne lui accomplisse la restitution du duché

  1. Procès-verbal dressé par le secrétaire Lallemand, le 14 janvier. Il est en copie aux archives du royaume de Belgique, Collection de documens historiques, t. III, f° 172, et cité par M. Gachard.