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afin de prévenir une dangereuse explosion contre la puissance espagnole, il avait fait arrêter le chancelier Morone à Novare, et il assiégeait le duc Sforza dans la citadelle de Milan. Connaissant toutes les menées des Italiens et craignant que la péninsule ne se soulevât tout entière si l’on n’empêchait pas qu’elle s’unît avec la France, il conjurait de nouveau l’empereur de délivrer le roi prisonnier sans exiger la Bourgogne, pourvu que le roi lui cédât l’Italie[1]. En paix avec la France, il soumettrait à jamais la péninsule italienne, tandis qu’il s’exposait par leur mécontentement commun et par leur union à recommencer la guerre avec l’une et à perdre l’autre. Si le hardi capitaine qui avait trompé l’attente de l’Italie conseillait à Charles-Quint dans un langage passionné de la soumettre après s’être entendu avec le roi de France, le profond chancelier Gattinara, qui aimait l’Italie et qui haïssait la France, engageait l’empereur son maître à gagner les Italiens et à ne se départir d’aucune des demandes faites au roi prisonnier. Il affirmait qu’il n’aurait rien à craindre tant qu’il tiendrait François Ier éloigné de la France., qui, privée de son roi, restait hors d’état d’entreprendre et de nuire[2]. Tandis que Pescara conseillait des arrangemens avec le roi de France pour s’assurer de l’Italie et Gattinara des ménagemens envers l’Italie pour isoler la France, l’ambassadeur que Charles-Quint avait accrédité auprès de la régente, Louis de Bruges, sieur de Praet, lui annonçait le projet d’abdication de François Ier. Tout en avouant que retenir ce prince à jamais en prison c’était paralyser pour toujours sa puissance, il insinuait que peut-être il valait mieux se montrer généreux à son égard que trop exigeant, et ne pas lui imposer des conditions dures et humiliantes auxquelles il ne se soumettrait qu’avec l’intention de s’y soustraire. Il assura que cela serait facile à François Ier une fois rentré dans son royaume, qui, tout épuisé qu’il était, le seconderait avec une adhésion ardente et une fidélité dévouée. Il concluait à le garder toujours prisonnier ou à le renvoyer pleinement satisfait[3], à l’annuler par la captivité comme ennemi, ou à le gagner par la magnanimité comme ami.

Charles-Quint n’était nullement enclin à suivre l’avis de Pescara, et les habiles insinuations de Louis de Praet n’éveillèrent pas en lui une générosité qui aurait été politique. S’il désirait que François Ier restât son ami après avoir été délivré, il ne voulait pas le délivrer sans avoir reçu de lui tout ce qu’il revendiquait. Avec cette

  1. Lettres du marquis de Pescara à l’empereur, des 20 août et 8 septembre. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. Della Vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 183.
  3. Lettre de Louis de Praet à l’empereur, du 14 novembre. Dans Lanz, t. Ier, p. 182.