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L’empereur apprit avec une vive satisfaction le rétablissement inespéré de son prisonnier. Il avait ordonné qu’on fît à son intention des prières publiques. Au moment où François Ier paraissait sur le point de succomber, Charles-Quint, se résignant à sa perte avec cette gravité stoïque qu’il montra dans les positions diverses de la fortune, s’était borné à dire : « Dieu me l’avait donné, Dieu me l’ôte[1]. ». Dès qu’il connut la soudaine amélioration qui était survenue, il fit partir le vice-roi de Naples pour visiter François Ier, à qui il écrivit « que les choses, au plaisir de Dieu, viendraient à bonne fin[2]. »


II

Marguerite de Valois quitta son frère convalescent pour aller suivre auprès de Charles-Quint la grande négociation qui l’avait conduite en Espagne. Elle arriva le mardi 3 octobre à Tolède. L’empereur envoya au-devant d’elle le duc de Médina-Celi à une lieue de la ville. Il sortit lui-même de son palais pour la recevoir, accompagné du duc de Calabre, de l’archevêque de Tolède, du duc de Bejar, du duc de Najara, du connétable de Navarre, de l’amiral des Indes, du marquis de Villafranca et de beaucoup d’autres seigneurs et caballeros. Il la rencontra sur la place de Zocodover, ayant à ses côtés l’archevêque d’Embrun, quelques grands personnages de France, et suivie de vingt de ses femmes à cheval comme elle. Du plus loin qu’il la vit, l’empereur ôta son bonnet et s’approcha d’elle avec la plus gracieuse courtoisie. L’ayant placée à sa droite, il la conduisit lui-même au palais de don Diego de Mendoza, comte de Melito, où son logis avait été préparé. A la porte, il prit congé de la duchesse le béret à la main et retourna à son palais[3].

Le lendemain, il y reçut la visite de Marguerite de Valois, qui vint l’entretenir du projet de paix avec la France et discuter les conditions auxquelles pourrait être délivré le roi son frère. Charles-Quint demeura pendant deux heures en conférence avec elle. Il n’avait auprès de lui aucun des membres de son conseil ni des grands officiers de sa cour, et il avait voulu, par une aimable déférence, que la porte de la chambre dans laquelle il conférait avec la duchesse fût gardée par une de ses femmes[4] mais, s’il se

  1. Navagero. Ibid.
  2. Captivité de François Ier, p. 334.
  3. Relation manuscrite de Gonzalo Hernandez de Oviedo, citée par M. Gachard.
  4. Lettre de Marguerite à François Ier, dans Captivité, etc., p. 342. Elle engageait le roi à paraître plus faible qu’il n’était : « Vous supplyant, monseigneur, fere devant le sieur Larcon contenance foible et ennuyée, car vostre débilité me fortifiera et advancera ma depesche. »