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perdit peu à peu ses forces, et la vie sembla sur le point de l’abandonner. Quoique le mal eût un siège intérieur que les médecins n’apercevaient pas encore, on crut autour du roi que la cause en était toute morale. C’est ce qu’annonça le capitaine Alarcon à l’empereur. Charles-Quint s’empressa d’écrire à François Ier, et il fit partir don Juan de Zuñiga pour lui témoigner l’intérêt qu’il prenait à son rétablissement[1]. Les nouvelles devenant plus mauvaises, il lui envoya son propre médecin pour le traiter et le vice-roi de Naples pour ranimer ses espérances[2] ; mais les soins du médecin impérial ne furent pas plus efficaces que ceux des deux médecins français, Bourgancy et maître Jean de Nismes, que le roi avait auprès de lui[3] et François Ier fut insensible aux consolations que lui apportait Lannoy de la part de Charles-Quint. Un abcès profond s’était formé vers le haut de la tête, et la compression douloureuse que cet abcès produisait en se développant jetait de plus en plus le malade dans un accablement qui semblait mortel. Le lundi 18 septembre, après plus de vingt jours de maladie, François Ier était sans mouvement et presque sans connaissance. Alarcon dépêcha un courrier à l’empereur pour l’en informer et lui dire qu’une visite de sa part pourrait seule tirer le roi de l’état léthargique dans lequel il était tombé, et que s’il voulait le voir encore et chercher à le relever par sa présence et ses paroles, il avait besoin de se hâter. L’empereur était allé à la chasse du côté de Ségovie ; il avait écrit à François Ier qu’apprenant la durée de sa maladie, et regrettant d’avoir passé naguère près du lieu où il était alors bien portant sans le voir, il n’y passerait pas cette fois sans le visiter, et qu’il serait auprès de lui le mardi. Le mardi était le 19 septembre. Charles-Quint arriva des environs de Ségovie à San-Agustin le lundi 18, quelques heures avant la fin du jour. Il comptait coucher à San-Agustin lorsqu’il reçut la dépêche d’Alarcon. Il sentit sur-le-champ que son prisonnier lui échappait, s’il ne s’empressait pas de le soutenir, et qu’il perdrait avec lui tous les avantages qu’il se promettait de sa délivrance. Sans attendre le lendemain, il résolut d’aller visiter François Ier pour lui donner la satisfaction qu’il avait si ardemment désirée et essayer de le ramener à la vie par l’espérance de sa prochaine liberté. Il dit à ceux qui l’accompagnaient qu’ils eussent à se préparer, s’ils voulaient le suivre. Il monta à cheval avec les ducs de Calabre, de Bejar et de Najara, Pedro Giron et don Beltran de la Cueva, qui ne le quittèrent point, et il parcourut à toute bride en

  1. Lettre de l’empereur à François Ier, dans Captivité, etc., p. 322.
  2. Della vita e delle opere di Andrea Nanagero, par Cicogna, p. 179.
  3. Captivité de François Ier, p. 133 et 135.