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raîtra bien naïf en France, que cette crise est née. Il s’était trouvé en Hollande un ministre, M. Betz, qui avait osé essayer d’influer sur les élections du Limburg, en adressant à un de ses amis une lettre que celui-ci avait eu l’imprudente audace de publier. L’honnête ministre des finances de Hollande ne put se tirer de ca mauvais pas ; il fut bien absous, par la majorité de la chambre mais il ne se pardonna point à lui-même, et rendit au roi son portefeuille. Cette démission fut le point de départ de la dislocation du cabinet. On voit où peut conduire dans un pays arriéré, — qui ne s’est point encore élevé à la théorie des candidatures recommandées par l’administration et l’ensemble de ses fonctionnaires, — un abus d’influence électorale commis par un ministre. Cet orage passé, le cabinet hollandais fut travaillé de dissentimens intérieurs. Tandis que le ministre des colonies, M. Fransen van de Putte, préparait et soutenait devant la chambre un projet d’organisation des cultures de Java, un autre projet intéressant les colonies divisait le cabinet. Il s’agissait de L’introduction d’un nouveau code pénal aux Indes. Le ministre le plus remarquable par le talent et l’autorité politique, M. Thorbecke, aidé de M. Olivier, ministre de la justice, voulait que la réforme du code colonial fît la matière d’une loi votée par les chambres. Leurs collègues prétendaient au contraire que les lenteurs d’une élaboration législative étant incompatibles avec les exigences du service colonial, il fallait promulguer le code par un simple arrêté. Devant cette opinion de la majorité de leurs collègues, MM. Thorbecke et Olivier ont sacrifié leurs places à un scrupule constitutionnel et se sont retirés. Le cabinet Thorbecke durait depuis quatre ou cinq ans. Le nouveau ministère, qui s’organise sous la direction de M. Van de Putte, avec la plupart des anciens ministres, serait-il capable d’obtenir une majorité dans la chambre, ou faudra-t-il recourir à un changement complet de cabinet ? Telle est la question qu’on se pose en Hollande, et dont la solution ne se fera pas longtemps attendre. e. forcade.



ESSAIS ET NOTICES.

M. ALPHONSE PERIER.

Quand la mort nous enlève un véritable homme de bien comme celui que Grenoble vient de perdre, un esprit ferme, un cœur loyal et généreux, ce n’est pas assez, que sa famille le pleure, que sa ville natale tout entière se porte à ses funérailles, que des honneurs inaccoutumés lui soient spontanément rendus, moins par l’empressement de cette foule que par l’affliction des visages et la sincérité du deuil et des regrets ; il faut encore quelque chose de plus. Si cet homme, malgré sa modestie, malgré sa vie presque cachée, a payé sa dette au pays, si dans l’arène politique il a dignement