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et si prématurée ? Nous avons de la peine à le croire. L’attitude naturelle des États-Unis dans la question mexicaine est passive et négative : ce ne sont pas eux qui ont fait naître la question, ce n’est point à eux de faire des avances et de s’imposer des sacrifices pour la dénouer. Les États-Unis n’ont t pas pu ignorer la lettre écrite au général Forey, et, quoiqu’ils s’abstiennent de le dire dans les documens officiels, ils ont toujours considéré l’expédition du Mexique comme une sorte de corollaire de la rébellion qui leur a fait courir de si grands dangers. Il n’est pas nécessaire de remonter à la doctrine de Monroe pour comprendre qu’ils ne sont guère tenus de hâter et de devancer la fin naturelle de notre expédition par une sorte de compensation morale telle que la reconnaissance du régime récemment établi au Mexique. La continuation de notre intervention devait être plutôt pour eux un obstacle à un acte de cette nature. Une fois nos troupes parties, ils seront bien plus à l’aise pour reconnaître le gouvernement de fait de Maximilien, si leurs intérêts et leur appréciation pratique des affaires mexicaines les y portent. La France n’avait donc aucune raison légitime pour exiger des États-Unis la reconnaissance du nouveau régime mexicain ; elle ne pouvait insister sur une condition semblable. Après avoir défendu le terrain pied à pied avec une vigueur honorable, l’empereur et M. Drouyn de Lhuys ont sagement agi en s’arrêtant à la conclusion depuis longtemps indiquée par l’intérêt français, en se contentant, de la part des États-Unis, d’une assurance qui ne peut rien leur coûter, puisqu’ils l’ont déjà donnée spontanément à plusieurs reprises.

On a donc lieu d’espérer que la question mexicaine est maintenant à l’abri des déviations et des complications qui pouvaient nous conduire à un conflit extérieur. Ce résultat sera, nous en sommes persuadés, accueilli aux États-Unis avec une satisfaction sincère et générale. On doit croire également que le peuple américain ne sera point insensible aux paroles sympathiques qui lui sont adressées par le discours impérial. Certes nous aurions le droit d’être jaloux, nous autres Français, des flatteuses préférences qui ont été manifestées pour le peuple américain. Le discours impérial en effet, tout en indiquant une certaine analogie entre les institutions américaines et les nôtres, n’a point l’air de nous reconnaître le droit à jouir de toutes les franchises que possède le peuple des États-Unis. En y regardant de près, la ressemblance signalée entre notre constitution et celle des États-Unis se réduit à fort peu de chose. En Amérique comme en France, la responsabilité n’est point placée sur la tête des ministres, elle est attachée au chef du pouvoir exécutif ; mais, si l’on cherche la sanction de la responsabilité, on s’aperçoit vite que la différence entre les deux pays est immense. Aux États-Unis, la responsabilité du pouvoir exécutif a pour sanction l’élection à laquelle ce pouvoir est soumis tous les quatre ans. En France, le pouvoir exécutif est perpétuel et héréditaire ; en logique comme en pratique, il ne semble guère facile de concilier l’idée de responsabilité avec l’idée d’un pouvoir perpétuel et héréditaire. L’em-