Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Devant la résolution qui termine la correspondance échangée entre la France et les États-Unis, nous oublions cependant volontiers les désagrémens passagers de cette polémique. Tout est bien qui finit bien. Nous ne demandons pas autre chose au gouvernement américain, pour lui annoncer le rappel de nos troupes, qu’une déclaration de neutralité envers le Mexique, et cette déclaration, nous sommes bien sûrs de l’obtenir, puisque les États-Unis nous l’ont maintes fois donnée et l’ont exprimée par des actes plus encore que par des paroles en licenciant leurs soldats et en faisant descendre à soixante mille hommes le chiffre de leur armée. Malgré cet heureux dénoûment, que nous n’hésitons point, quant à nous, à regarder comme une solution définitive, on ne peut se défendre d’une sorte d’anxiété dramatique en lisant la correspondance relative aux affaires du Mexique. De toutes les dépêches dans lesquelles M. Drouyn de Lhuys a eu, dans le cours de sa carrière ministérielle, à traiter les grandes affaires de la France, il n’en est point qui aient présenté à nos yeux un si puissant intérêt. On y sent souvent, sous la gravité du langage diplomatique, l’émotion de l’homme d’état. Le ministre est évidemment pénétré de la solennité d’une situation qui pourrait provoquer entre la France et les États-Unis un conflit pour ainsi dire contre nature. Il lutte bravement pour concilier avec l’intérêt primordial et permanent de l’amitié de la France et des États-Unis les exigences accidentelles de l’honneur de son gouvernement. On dirait une belle et vaillante retraite. On rendra justice d’ailleurs à l’habileté de notre ministre des affaires étrangères. Pour nous, cette habileté nous a rassurés tout de suite, lorsqu’au moment le plus critique de la négociation nous avons vu M. Drouyn de Lhuys refuser de répondre aux représentations du ministre américain sur certains actes de l’empereur Maximilien, tel que le décret qui met hors la loi les républicains pris les armes à la main ou le règlement relatif au péonage. Notre ministre, en restreignant l’objet et le caractère de notre présence armée au Mexique, restreignait en même temps notre responsabilité, et du même coup avançait nécessairement la fin de notre coopération militaire. Devant la question ainsi engagée, nous avons pressenti tout de suite que la logique de la négociation allait infailliblement aboutir à la retraite de nos troupes. Si nous eussions maintenu notre concours militaire sans limite de durée, nous n’aurions pas pu décliner longtemps la responsabilité des actes de l’empereur Maximilien ; alors le fait eût parlé plus haut que les paroles, et. en dépit des dénégations notre action eût été une intervention caractérisée. M. Drouyn de Lhuys a donc répudié toute solidarité avec ce décret de mise hors la loi, qui, nous l’espérons bien, n’aura jamais pour exécuteurs des soldats français, et, en repoussant pour notre, action militaire le caractère d’une intervention, il en a simultanément abrégé la durée. Ceci accompli, il n’y avait plus à défendre que l’honneur de notre retraite ; on a demandé aux États-Unis de reconnaître le gouvernement de fait de l’empereur Maximilien. A-t-on vraiment espéré obtenir de l’Union américaine une marque de générosité si gratuite