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garnissaient toujours le quai de la Marine. Il pourrait protéger à toute heure les intérêts commerciaux, et d’ailleurs on obtiendrait ainsi une économie financière. Les remorqueurs du port, spéculant sur les nécessités politiques, avaient exigé des sommes fabuleuses de l’administration française. Le débarquement seul de la contre-guérilla avait coûté plus de 6,000 francs.

La construction d’un vapeur fut décidée. L’idée était heureuse ; mais la lenteur de l’exécution en fit presque avorter les bons résultats. Il faut le dire du reste, la science maritime est peu avancée sur les côtes mexicaines. On a le droit de s’en étonner en jetant les yeux sur la carte ; le contact de la magnifique marine américaine aurait dû exciter l’émulation d’un peuple voisin. La coque fut mise en chantier à Tampico. Un officier français se rendit à New-York pour acheter une machine éprouvée ; il eût été préférable d’ordonner la construction complète dans un port américain. Le nouveau-bateau, baptisé le Contre-Guérilla, devait tirer son personnel de notre corps même, qui comptait des matelots et des mécaniciens : le long du fleuve, des coupes de bois préparées assuraient le chauffage de la machine. Dans quelques semaines, on pourrait donc embarquer deux cents fantassins et les jeter en une nuit à trente lieues de distance.

Tous ces préparatifs prolongèrent la durée de notre séjour à Tampico. C’est surtout dans ces heures de calme et de réflexion que notre pensée, échappant à la discipline et à l’animation de la lutte, s’attristait d’une guerre implacable, poursuivie sans espoir de résultat sérieux. Après Magenta et Solferino, tout un peuple s’était levé pour saluer nos drapeaux ; là-bas, tout semblait glacé. Nulle part l’enthousiasme n’éclatait, et le devoir réchauffait seul le feu sacré de nos soldats. Même l’attitude du parti mexicain, celui-là qui devait tout aux armes françaises, était décourageante, et quoique la prochaine opération militaire de la contre-guérilla, qui allait rouvrir la route de San-Luis, interceptée par les libéraux, intéressât avant tout le commerce de Tampico, les négocians de cette place étaient, eux aussi, animés de fâcheuses dispositions à notre égard.

Il n’y a pas de ville au Mexique où dès le début le haut commerce indigène et surtout étranger n’ait été l’ennemi déclaré de l’intervention française. Quelle a été l’origine de cette hostilité ? Si on veut le savoir, il faut consulter le grand-livre de la dette mexicaine. On y verra que depuis longtemps les gros négocians s’étaient faits les banquiers de l’état, qu’à mesure que l’état s’obérait, il se voyait forcé de contracter des emprunts de plus en plus onéreux. Aussi, en raison des chances de courte durée des gouvernemens