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la province, vivait au milieu de nous à Tampico, où il dirigeait lui-même un grand comptoir commercial, tandis que ses deux jeunes frères servaient sous le drapeau de Pavon. On lui fit sentir qu’il pourrait être dangereux d’avoir un pied dans chaque camp, et par son entremise officieuse les habitans de Panuco furent éclairés sur les véritables sentimens de l’intervention, qui n’avait qu’un but, celui de les arracher au brigandage et à la guerre civile pour assurer la protection de leurs personnes et de leurs intérêts. Sur ces entrefaites la contre-guérilla se mit en marche pour Panuco, afin d’appuyer de sa présence ses propositions de paix. A son arrivée, les deux jeunes frères San-Pedro, d’après les conseils de leur aîné, acceptèrent l’amnistie complète qui leur était offerte. La défection des insurgés, qui reçurent des preuves de la loyauté et de la bienveillance françaises, força Pavon à se replier en arrière de la ville, suivi seulement de quelques fidèles. A l’offre de l’oubli du passé, faite dans des termes honorables pour son amour-propre, le chef vaincu répondit textuellement que ses opinions lui défendaient tout compromis, que, reconnaissant les difficultés d’une guerre dans son propre pays, il allait se réunir aux derniers défenseurs de l’indépendance nationale qui suivaient encore la bannière du président Juarès. Il partait en recommandant à la générosité de la France sa famille et ses biens, qu’il laissait derrière lui. Pavon remonta sans retard vers Huejutla, ville principale du sud de la Huasteca, où s’organisait la nouvelle défense des mécontens et des rebelles refoulés de la côte ou de l’intérieur. La soumission de Panuco eut des résultats immédiats : la navigation interrompue reprit son cours ; les eaux du fleuve qui traverse la Huasteca se chargèrent de bateaux apportant des denrées. La disette de maïs, ce pain des Mexicains, s’était presque fait sentir à Tampico faute d’arrivages. Le quintal de maïs tomba de 2 piastres (10 francs) au-dessous du cours à notre rentrée dans la ville.


IV

On avait couru au plus pressé en poussant une pointe dans la Huasteca au secours des forces de Llorente. Désormais le véritable but de nos efforts devait être la réouverture de la route de la mer à San-Luis et aux capitales des principaux états du centre, telles que Guanajuato et Guadalajara, par où le golfe du Mexique communique avec le Pacifique et la Sonora. Si le sud s’était calmé, le nord aucun traire, totalement au pouvoir de l’ennemi, était en feu. Le général Cortina continuait son recrutement, et la leva[1], sorte de

  1. Depuis 1863, elle a été abolie par décret de la régence dans l’armée régulière.