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tombent en longues nattes sur leurs épaules. La déférence des Indiens pour le curé tient presque de l’idolâtrie. Dans la nuit que nous passâmes à Amatlan, nous en eûmes un exemple curieux. Une case de chaume prit feu : le vent soufflait avec impétuosité ; les cases voisines s’enflammèrent en communiquant l’incendie à l’église, qui servait d’hôpital. En un instant, les Indiens se pressèrent pour enlever les blessés et les installèrent sous de grands platanes, dont le dôme de verdure les préservait de l’humidité. Sur le maître-autel de l’église, la statue d’un christ en bois était déjà enveloppée par les flammes. C’était l’héritage sacré de leurs pères, réputé au loin pour ses miracles. Les Indiens, pleins de douleur, s’étaient agenouillés pour prier ; pas un n’osait porter la main sur la sainte image : le curé était absent. Un Grec de la contre-guérilla traversa le feu et l’enleva prestement. Les Indiens emportèrent le christ en triomphe, et chacun voulut baiser les mains du héros. Le lendemain au départ, ils firent au Grec un brillant Cortège, les mains chargées de fleurs et de fruits.

La population de Temcoco, village purement indien, où l’on se reposa le soir, accueillit avec empressement les Français. L’hospitalité fut généreuse. Les habitans étaient venus en masse au-devant du convoi. Les porteurs de litières, fatigués d’une étape parcourue sur les cailloux, furent vite remplacés. Le zèle des nouveau-venus n’avait pas attendu la distribution d’une piastre qui se fit le soir, devant le feu de bivouac, à chacun des porteurs, alignés sur deux rangs et stupéfaits de leur bonne aubaine. Les soldats de Carbajal n’étaient pas si généreux.

La route pour le retour n’était pas la même que celle que la contre-guérilla avait suivie à sa sortie de Tampico. L’itinéraire adopté à cette heure se rapprochait de la mer ; on voulait gagner le village de Tamiahua, placé au bord de la lagune qui communique avec le Panuco. Le chemin par eau devait abréger les souffrances des blessés, dont les membres endoloris souffraient le jour de la chaleur et la nuit des piqûres des maringouins. Dans ce dernier trajet, l’arrière-garde signala un nuage de poussière qui grossissait à l’horizon en se rapprochant de la colonne. On fit halte : un brillant cortège d’officiers couverts de broderies déboucha au galop. C’était le colonel Llorente, fièrement entouré de son état-major et de sa cavalerie, quarante et un officiers et neuf simples soldats armés de lances ! Ce sont les proportions ordinaires au Mexique ; comment le budget pourrait-il y suffire ? L’entrevue des deux colonels fut animée. Le chef mexicain désirait voir la contre-guérilla revenir sur ses pas, pour l’installer dans son commandement de Tuxpan avec toute la pompe désirable. De plus, il demandait de