rapport la loi de 1861, soumettre à un nouvel examen toutes les questions de douanes. On a évidemment passé le but en supprimant certaines perceptions qui donnaient au trésor un grand revenu. Un droit de 5 pour 100 n’a jamais passé pour un droit protecteur, c’est un droit purement fiscal. Or, en soumettant les autres denrées agricoles, aussi bien que les céréales, à des droits spécifiques calculés sur le pied de 5 pour 100 de la valeur moyenne, on arriverait à une perception annuelle de 25 à 30 millions qui combleraient le déficit du budget, ou qui permettraient, si nous sommes réellement entrés, comme on le dit, dans la voie des économies, de réduire d’autres impôts fort lourds sur les produits indigènes, comme l’impôt des boissons. Les taxes populaires ne sont pas communes ; quand on en a sous la main, on a grand tort de les négliger pour maintenir à leur place des taxes impopulaires.
La liberté du commerce n’entraîne nullement la suppression des douanes, pas plus que la liberté de la production intérieure n’entraîne la suppression des impôts. Dans l’un et l’autre cas, le principe veut qu’on supprime toutes les taxes qui gênent sans nécessité le libre mouvement des transactions, ou qui ont pour but de favoriser certains produits aux dépens des autres. Quant à l’impôt proprement dit, c’est-à-dire à la somme de perceptions nécessaires pour subvenir aux dépenses publiques, le libre échange n’y porte aucune atteinte. Dans ce système, les douanes sont comme les autres impôts, elles doivent s’élever ou se réduire suivant que les besoins de l’état sont plus ou moins grands, et dans la même proportion que les autres taxes. Quand les impôts montent ou descendent à l’intérieur, les douanes doivent les suivre, et il n’est nullement logique, quand on est forcé de charger les produits indigènes, comme on l’a fait depuis quelques années, de décharger les produits étrangers.
Dans le pays du free trade par excellence, — l’Angleterre, — les douanes rapportent près de 600 millions de francs (23 millions sterling), et dans ce chiffre les céréales figurent pour 600,000 livres sterling ou 15 millions de francs. Or, s’il est un pays où les céréales étrangères dussent entrer en franchise de droits, c’est bien l’Angleterre, puisque la population y est si condensée que, malgré la première agriculture du monde, le déficit annuel en céréales dépasse 30 millions d’hectolitres. En France, au contraire, où la population spécifique n’égale pas la moitié de la population anglaise, la récolte des céréales donne plutôt un excédant qu’un déficit. Il n’y a donc absolument aucun motif pour accorder chez nous aux céréales étrangères un privilège que l’Angleterre elle-même leur refuse, et ce qui est vrai des céréales ne l’est pas moins des autres produits agricoles.