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dire, l’évacuation n’a servi qu’à propager le mal et à le déplacer. Presque partout, les emplacemens sur lesquels sont jetés les émigrés à Trébizonde et à Samsoun sont fiévreux et malsains. Les fièvres pernicieuses intermittentes y règnent ; ils subissent déjà l’influence des effluves marécageuses. L’action de cette influence délétère sera décuplée par les fâcheuses conditions hygiéniques dans lesquelles ils se trouvent. »

M. Barozzi améliora leur sort avec le zèle le plus dévoué, mais dans la mesure des faibles moyens qu’il avait alors dans les mains. De retour à Constantinople, il révéla toute la gravité de la situation et l’imminence du danger qui menaçait les populations de l’empire. A sa voix, le gouvernement s’émut un instant et tenta quelques nouveaux efforts en faveur des Tcherkesses. Des navires furent nolisés à Constantinople ou fournis par l’arsenal et envoyés à Trébizonde et à Samsoun, avec de l’argent, des vivres et des soldats chargés de faire la police ; mais bientôt le mal reprit son empire ; les autorités locales, laissées sans surveillance, retombèrent dans leur incurie habituelle ; les précautions sanitaires furent négligées ou tenues en oubli ; la misère, la maladie, les désordres reparurent, exerçant les mêmes ravages qu’auparavant et ayant pour cortège la mortalité. Si le chiffre des décès baissa, ce ne fut que par suite des évacuations qui dispersaient les Tcherkesses au loin et dans toutes les directions et du ralentissement de l’émigration ; mais sur tous les rivages où ils allèrent chercher l’hospitalité, la mort les escortait comme une compagne inséparable et sans pitié. C’est ainsi que, sur 6,302 individus transportés à Panderma, 793 périrent en moins d’un mois. En dehors de Trébizonde et de Samsoun, le littoral asiatique n’en reçut, comparativement parlant, qu’un petit nombre, débarqués directement ou internés par évacuation à Platana, Sinope, Héraclée et Ineboli. Un parti de 10,000 d’entre eux se jeta sur cette dernière localité, petite bourgade qui fut abîmée.

Le service maritime organisé postérieurement pour dégager le trop-plein de Trébizonde et de Samsoun transporta jusqu’en juillet 1864 environ 30,000 Tcherkesses au-delà du Bosphore, sur le pourtour de la mer de Marmara, à Moudanié, Gallipoli, Rhodosto, Silivri, et sur la côte d’Europe, aux embouchures du Danube. Un des derniers convois, franchissant les Dardanelles, en déposa 1,600 à Sànderli, près du golfe de Smyrne. Un autre convoi alla jusqu’à Salonique, et enfin quelques-uns poussèrent jusque dans l’île de Chypre.

Ici se présentent deux questions assez importantes par la diversité ou plutôt par l’opposition du point de vue sous lequel on peut les envisager, et parce qu’elles impliquent dans la triste