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qu’il n’en exigerait jamais de semblables. Une politique mieux avisée le détourna de concourir à rendre plus puissant l’empereur, qui l’était déjà trop. L’injurieuse autorisation que Charles-Quint lui demanda de rompre les engagemens anciens pris envers la princesse d’Angleterre, pour en contracter de nouveaux avec l’infante de Portugal, le décida enfin à abandonner l’allié qui ne voulait plus devenir son gendre. Le dégageant de la promesse qu’il avait faite d’épouser sa fille[1], il lui refusa tout argent pour continuer la guerre. Il répondit qu’il en avait trop fourni pour des entreprises qui avaient été profitables à l’empereur seul, lequel devait à son amitié le gain de Tournay, de Milan, de Fontarabie, la décharge de la pension de 100,000 écus sur le royaume de Naples, la victoire de Pavie et la capture du roi de France, tandis que lui n’avait retiré de l’amitié de l’empereur que des pertes et des dépenses. Il rappelait les sommes qu’il avait prêtées à Charles-Quint et qui ne lui avaient pas été remboursées, le mariage de sa fille avec le dauphin qu’il avait rompu[2] pour un autre mariage qui maintenant ne devait plus se faire, — les pensions considérables qu’il tirait de la France, et auxquelles il avait renoncé sans recevoir aucun des dédommagemens qui lui avaient été promis. Henri VIII se montra donc bien éloigné de s’unir à l’empereur soit pour imposer la paix à François Ier en l’accablant, soit pour envahir ses états en reprenant la guerre.


VI

Pendant ce temps, le peu de succès des négociations entamées de loin avec le roi prisonnier avait amené un changement, sinon dans sa position, du moins dans son séjour. François Ier avait été enfermé près de trois mois dans Pizzighetone. Quoique cette forteresse fût inabordable et que François Ier ne pût ni s’en évader par surprise, ni y être délivré de vive force, ceux qui étaient chargés de le garder songèrent à le placer dans un lieu encore plus sûr. L’empereur avait fait recommander par Beaurain au duc de Bourbon et à Lannoy de veiller avec le plus grand soin sur son prisonnier et de le conduire au besoin dans le royaume de Naples[3]. Bourbon, Lannoy, Pescara, Antonio de Leiva et l’abbé de Najera, provéditeur général de l’armée impériale, tinrent conseil à ce sujet et décidèrent que le roi de France serait conduit dans le sud de l’Italie. Ils jugèrent qu’il ne serait nulle part plus sûrement que

  1. History of the reign of the Henry the Eighth, par Sharon Turner, t. Ier, p. 456.
  2. Ms. cott. Vespas., C. III, f. 62.
  3. Lettre de Charles V au duc de Bourbon et au vice-roi de Naples, du 27 mars 1525, dans les mss. hist. du comte de Wynants, citée par M. Gachard, p. 14 et p. 20.