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dégager envers la princesse Marie d’Angleterre, trop jeune encore pour être mariée, et il ne pouvait le faire qu’en la demandant sur-le-champ au roi son père et en ne l’obtenant pas. Il espérait que la rupture ainsi amenée d’un mariage depuis longtemps convenu ne conduirait pas à la rupture de l’alliance qui lui était plus que jamais nécessaire afin de soumettre la France par la guerre, puisque la France ne cédait point à ses volontés par la voie des négociations.

Le commandeur Peñalosa eut l’ordre de demander au roi d’Angleterre que la princesse sa fille fût remise à l’empereur avec sa dot de 600,000 ducats, dont 200,000 seraient immédiatement comptés et 400,000 le seraient de mois en mois. A l’aide de cet argent, l’empereur se proposait d’entrer en France par les Pyrénées à la tête d’une armée et d’y faire entrer par les Alpes l’armée d’Italie. Henri VIII était requis en même temps, aux termes du traité de Windsor, d’opérer par Calais une descente avec ses troupes, auxquelles se joindraient trois mille hommes de cavalerie et mille hommes de pied des Pays-Bas[1]. En cas que le roi d’Angleterre ne voulût pas envoyer encore la princesse sa fille en Espagne et remettre sa dot à l’empereur, le commandeur Peñalosa devait réclamer tout au moins en prêt la somme de 400,000 ducats, sans laquelle il lui serait impossible d’effectuer l’invasion de la France. Charles-Quint faisait dire à Henri VIII « qu’il était désireux de conduire sa dernière victoire à une parfaite conclusion et ne pas laisser son ennemi sans le confondre[2]. »

L’orgueilleux Henri VIII était en ce moment dans des dispositions bien différentes. Après l’étourdissement de la victoire de Pavie, qui avait ranimé son avidité et lui avait donné la chimérique espérance d’obtenir le royaume de France ou de recouvrer les provinces que les rois ses prédécesseurs avaient autrefois possédées sur le continent, il avait compris que l’empereur songeait presque uniquement à accroître sa propre puissance. La paix que Charles-Quint avait d’abord proposé de conclure n’apportait aucun avantage certain à l’Angleterre ; la guerre qu’il voulait maintenant reprendre ne pouvait se faire qu’avec l’argent demandé à Henri VIII sous la forme d’une dot ou d’un emprunt. Cet argent même, Henri VIII ne l’avait pas. Il avait essayé de lever des impôts extraordinaires qui avaient provoqué de dangereux soulèvemens dans plusieurs comtés de son royaume. Malgré ce qu’il avait de hauteur et ce qu’il affectait de pouvoir, il s’était vu contraint de renoncer à ces levées extraordinaires et d’annoncer par une proclamation

  1. State Papers, t. VI, p. 444, 445.
  2. Lettre de sir R. Wingfeld du 3 Juin. State Papers, t. VI, p. 442-43, note 1 de la p. 443.