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ses ordonnances. Sur les trois mille neuf cents hommes d’armes qu’entretenait la couronne, elle en cassa un cinquième, — c’est-à-dire vingt par compagnie, qui furent renvoyés chez eux après avoir été payés, — tandis que les autres, payés aussi, restèrent sous le drapeau. Elle cassa également une partie des gens de pied étrangers et garda l’autre, en ayant soin de s’acquitter envers ceux qui étaient licenciés et de solder ceux qui étaient retenus[1]. La cavalerie et l’infanterie qui furent conservées formèrent l’armée de défense concentrée autour de Lyon, ou gagnèrent les villes frontières, afin d’y tenir garnison et de les mettre à couvert d’une attaque. Gardant auprès d’elle le maréchal de Lautrec, qui aurait commandé l’année en cas de besoin, la régente envoya le comte de Guise dans la Bourgogne et la Champagne pour veiller à la protection de ces deux importantes provinces, comme le duc de Vendôme l’avait fait en Picardie. Elle ne se borna point à prendre ces mesures de bon ordre et de sûreté, elle sut conserver au royaume l’appui des cantons suisses, qui touchèrent avec une exactitude inaccoutumée une partie de ce qui leur était dû et reçurent en peu de temps jusqu’à 300,000 livres. Elle invoqua l’assistance de Soliman II, que François Ier avait déjà sollicité d’opérer une diversion dans les états héréditaires d’Autriche[2], en attendant qu’elle engageât, comme elle le fit bientôt, les plus utiles négociations, soit au-delà des Alpes, soit de l’autre côté de la Manche. Après que toutes ces dispositions militaires eurent été prises, et qu’il eût été pourvu à la sécurité de la Normandie, de la Picardie, de la Champagne, de la Bourgogne, du Dauphiné, de la Provence, etc., la régente se sentit moins en crainte du côté de l’ennemi, et eut une pleine confiance dans la persévérante fidélité du royaume.

Ce fut sur ces entrefaites que Beaurain arrivait à Lyon. Il apportait, à la duchesse d’Angoulême une lettre froide et sèche de l’empereur en réponse à de touchantes supplications et à de maternelles instances qu’elle lui avait adressées par le commandeur Peñalosa[3]

  1. Lettres-patentes de la régente, etc., dans Captivité de François Ier, p. 313 à 317. — Lettre du chancelier Duprat au roi, du 13 octobre ; ibid, p. 378.
  2. Correspondenz des Kaisers Karl V, par Lanz, t. Ier, p. 155. — Négociations du Levant, publiées par M. Charrière, t. Ier, p. 114 et 117. — Mémoire de Hammer sur les premières relations diplomatiques entre la France et la Porte, dans la Revue Asiatique de 1827, t. X, p. 19.
  3. Dans sa lettre, la régente l’appelait son bon fils comme elle l’avait fait autrefois. Elle louait Dieu de ce que François Ier était tombé au pouvoir du prince aux mains duquel elle l’aimait le mieux. Elle espérait que sa grandeur ne lui ferait pas oublier la proximité du sang et de la parenté qui existait entre eux, et encore moins le bien qui reviendrait à toute la chrétienté de leur union et de leur amitié. Elle finissait sa lettre, en disant : « Vous obligerez une mère, à laquelle vous avez toujours donné ce nom et qui avec prière a recours à votre affection. » Archives des Affaires étrangères : (Espagne), vol. V, f. 272. — En lui répondant le 25 mars par Beaurain, Charles V ne lui donna point le titre de mère ; il l’appela avec une dignité froide madame, et lui dit que, si elle voulait la paix et désirait voir bientôt le roi son fils, elle en trouverait le vrai moyen dans le contenu de l’écrit que portait le seigneur du Rœulx (Beaurain). — Papiers Granvelle, t. Ier, p. 263.