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et le chancelier Antoine Duprat. Il fallait mettre le pays en garde contre les menaces de l’ennemi, en l’empêchant surtout de tomber dans le ruineux désordre des pillages militaires et des soulèvemens intérieurs. Louise de Savoie prit diligemment toutes les mesures que commandait le danger public.

Le royaume la seconda avec un accord tout à fait inusité et par un patriotisme jusqu’alors inconnu dans des circonstances semblables. Il fut ému sans être découragé, et l’agitation ne le jeta point dans la désobéissance. Pour la première fois la royauté affaiblie obtînt la fidélité qui ne s’accordait auparavant qu’à la royauté puissante. La France, unie et soumise, ressemblait à une vraie nation qui sent, pense, agit avec ensemble, et que la vue de l’intérêt public conduit à des résolutions communes. On se serra autour de ceux qui, soit au centre, soit aux extrémités du pays, étaient investis de l’autorité royale. Les fragmens réunis du territoire avaient formé un état, et ses habitans rapprochés étaient devenus un peuple.

La capitale donna l’impulsion au royaume. Le parlement de Paris, auquel les villes de Picardie avaient envoyé des députés[1], établit un utile concert pour assurer le bon ordre et la défense générale. Afin de prévenir les réunions dangereuses et d’éviter les tumultes, il provoqua la formation d’une assemblée publique qui fut régulièrement chargée de tout diriger. Il désigna plusieurs de ses membres pour entrer, dans cette assemblée, à laquelle furent appelés les députés de la cour des comptes, ceux de l’église et de la municipalité de Paris, et qui tint ses séances au Palais-de-Justice, où se rendirent au milieu d’elle l’archevêque d’Aix, gouverneur de Paris, et le seigneur de Montmorency, père du maréchal et le plus puissant feudataire du voisinage[2]. On y résolut de fermer les portes de Paris comme en temps de guerre ; on en répara les murs, et, si l’on n’en fit point sortir les étrangers à cause de l’université, qui avait le privilège de les recevoir en tout temps, on n’y laissa point entrer ceux qui pouvaient y venir avec de mauvaises intentions et y apporter du trouble. La rivière, qui traversait la ville et qui était comme une voie toujours ouverte, fut soigneusement surveillée. La garde bourgeoise fut promptement organisée, et personne n’en fut exempt. Les présidens et les conseillers de la cour s’y enrôlèrent comme les autres, et le guet dut parcourir les rues toute la nuit[3]. Il y eut de plus à l’Hôtel-de-Ville une assem-

  1. Captivité de François Ier, p. 165.
  2. Registres du parlement, t. LVIII. — Journal d’un bourgeois de Paris, p. 232-233. — Captivité de François Ier, p. 137 à 141.
  3. Extrait de ce qui a esté advisé à l’Ostel de Ville de Paris, etc. — Bibliothèque de l’École des Chartes, 1ère série, t. V, p. 548.