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humains qui s’appellent les représailles. Aujourd’hui le sénat lui-même s’apprête à voter des lois de vengeance et à prescrire le mode des supplices à infliger à ces coupables des crimes d’autrui. M. Lane, de l’Indiana, présente une pétition des citoyens de Fort-Wayne demandant que les prisonniers rebelles soient confiés à la garde de prisonniers fédéraux libérés, afin qu’ils soient traités de même. « On craint, dit-il, que les représailles ne rendent la guerre plus sanglante. Peu importe le sang versé ! Je voudrais rougir toutes les rivières du sang des traîtres. » — M. Wade vient ensuite exprimer son regret de la sympathie témoignée par le peuple du nord aux rebelles de Savannah. Le président a cru devoir étendre sa main protectrice sur un rebelle fugitif, M. Foote, et menacer le gouvernement confédéré de représailles, si l’on touchait un cheveu de sa tête. « Je ne voudrais pas, dit M. Wade, frapper un chien en représaille du supplice d’un traître. » Enfin, malgré la généreuse résistance de M. Sumner, le comité de la guerre a résolu que la mesure serait adoptée ; et le président requis de rendre dent pour dent, œil pour œil aux rebelles. Je ne m’étonne pas d’une exaspération si légitime. Il n’y en a pas moins dans ces cruautés héroïques quelque chose d’horrible que les Américains ne sentent pas assez. Ils sont moins intempérans dans leurs actes que dans leurs discours, et dans leurs intentions que dans leurs actes. Au lendemain de ces résolutions implacables, ils se serrent la main comme des duellistes courtois, ou s’embrassent même comme de vieux amis réconciliés. A l’armée du James, les soldats des deux camps se rencontrent pacifiquement entre les lignes, causent, échangent leurs provisions, jouent aux cartes. Francis P. Blair, le père of Lincolndom, comme disent les journaux rebelles, s’étant montré l’autre jour dans les rues de Richmond, fut reconnu et fêté par une foule d’anciens amis, lui devenu leur ennemi acharné et insulté chaque matin par leurs journaux. C’est sans doute un mérite que d’être, comme on dit, sans rancune ; mais je trouve que l’indulgence, poussée à ce point extrême, ressemble trop à l’indifférence et à l’insensibilité.

Un autre vote important du congrès, quoique déguisé sous l’enveloppe inoffensive d’un simple amendement au budget, est celui qui reconnaît la république du Mexique comme le seul gouvernement en rapport avec celui des États-Unis, et refuse au nouvel empire jusqu’à la satisfaction incomplète d’une neutralité avouée entre belligérans. Cette mesure s’est introduite sans bruit et avec l’allure modeste d’un changement de texte innocent. L’allocation de la légation des États-Unis au Mexique venait paisiblement, à son tour de rôle, parmi plusieurs autres semblables, solliciter l’approbation1 du sénat. Le texte portait simplement : « légation du Mexique. » Un