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martyre, car il peut devenir un jour,.. devinez quoi ? président des États-Unis.

Au sud, la dissolution continue. La querelle du gouvernement et des états va s’irritant tous les jours. Il s’agit de savoir si les milices seront retirées aux états et mises à la disposition de Lee, ou si, conformément aux lois, le gouverneur de chaque état restera commandant des milices. Le gouverneur et la législature du Mississipi ont positivement refusé leurs milices au président confédéré. Le gouverneur de l’Alabama déclare qu’il entend exempter du service les hommes d’église, les droguistes, les fonctionnaires et les journalistes. Vous savez déjà ce qui se passe en Géorgie. Maintenant la Caroline du sud et son gouverneur Vance embrassent le même parti ; la législature repousse la suspension de l’habeas corpus et se pose la question de savoir whether it be treasonable to secede[1], tandis que la Caroline du nord, s’abstenant encore d’une action séparée, vote pourtant des résolutions, to initiate negociations for an honorable, peace[2], où le président est sommé de prendre l’initiative de la démarche. Cependant Richmond même est en discorde et en émoi. Le congrès rebelle discute, sous une forme détournée, le grand projet de dictature dont je vous ai parlé : il s’agit de savoir si le général Lee aura seul le pouvoir de nommer sans contrôle tous les officiers de l’armée, ou si son choix restera subordonné à la ratification du gouvernement et du congrès. — Vous le voyez, dictature d’un côté, dissolution de l’autre, partout l’esprit de résistance et de liberté est aux prises avec le despotisme de Richmond. La rébellion périra par les causes mêmes qui menaçaient de mort la nationalité américaine ; les coupables seront punis par là même où ils ont péché.

On parle beaucoup de la mission secrète d’un intime ami du président Lincoln, M. Blair, qui va, suivant le dire officiel, réclamer à Richmond certains papiers de famille perdus, l’été dernier dans le pillage de sa maison de campagne lors du raid confédéré dans le Maryland. Tout le monde pense que ce prétexte déguise une intention pacifique. Le gouvernement est vivement blâmé par quelques hommes du parti républicain, qui, prévoyant bien l’inutilité de ces démarches, craignent que le sud n’y voie un signe de lassitude ou de faiblesse ; il est vivement approuvé au contraire par une autre fraction du parti à la tête de laquelle se signale le directeur de la Tribune, Horace Greeley. Je leur souhaite, quant à moi, plein succès ; je pense qu’en faisant des tentatives réitérées, quoique infructueuses, en ne se laissant pas rebuter par les

  1. « Si c’est une trahison que de sécéder une seconde fois. »
  2. « A l’effet d’obtenir des négociations pour une paix honorable. »