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d’oiseaux, des bernaches, des eiders et diverses espèces de mouettes ; des phoques se jouaient dans les eaux. Sur la terre, quelques plantes naines des genres Lychnis, Hesperis et Sedum épanouissaient leurs fleurs. Le 24 juin, Morton arbora le drapeau étoile de l’Union américaine au sommet du cap Constitution, dont la marée battait le pied, par 81° 22’ suivant son estime, et par conséquent sur la terre la plus rapprochée du pôle que l’homme ait jamais foulée. Au loin dans le nord-ouest, au-delà du 82e degré, s’élevait une haute montagne : elle reçut le nom de Parry, et un cap qui s’avançait dans les flots, celui de Bellot. Morton retrouva l’Advance dans la baie où il l’avait laissée. Le second hiver se passa comme le premier ; l’été revint, la petite peuplade d’Esquimaux vint faire ses adieux, et le 17 juillet 1855 les Américains, abandonnant leur navire dans le havre, où Hayes ne le retrouva plus en 1861, partirent sur trois embarcations qu’ils traînaient à travers les glaces ou mettaient à flot suivant les nécessités. Après avoir surmonté des dangers sans nombre et supporté des fatigues inouïes, ils arrivèrent à la première colonie danoise d’Upernavik, ayant fait 400 milles marins ou 740 kilomètres sur la mer gelée.


IV. — DISSOLUTION DES DEUX PROJETS A LA SOCIETE GEOGRAPHIQUE DE LONDRES.

On connaît maintenant le théâtre des explorations polaires dans l’Amérique du Nord et les tentatives faites par Kane et Morton pour s’avancer le plus loin possible au-delà du canal de Smith. Ce canal est le chemin du pôle sous ce méridien, et le mémoire lu le 23 janvier 1865 à la Société géographique de Londres par le capitaine Sherard Osborn que je reproduis presque textuellement fera apprécier parfaitement les sentimens exprimés et le plan proposé par cet officier. Nulle voix n’est plus autorisée que la sienne. En 1850 avec Austin et Ommaney, en 1852 avec sir Edward Belcher, il commandait le vapeur Pioneer, et il a fait 1,093 milles ou 2,024 kilomètres dans une expédition en traîneaux pour explorer les terres arctiques à la recherche de Franklin. Laissons parler l’intrépide voyageur :


« Morton, dit le capitaine Osborn, avait atteint le cap Constitution. L’amiral Collinson, le capitaine George et le géographe Arrowsmith le placent plus au sud que lui ; suivant eux, il se trouve par 80° 56’, et le cap Parry par 81° 56’. De ce point, qu’on atteindrait en bateau ou sur des traîneaux, il n’y a plus que 484 milles géographiques ou 896 kilomètres jusqu’au pôle. Je ne crois pas que la mer soit toujours libre, comme Morton l’a vue ; mais alors on s’avancerait sur des traîneaux tirés par des chiens. L’amiral Mac Clintock n’a-t-il pas fait en 1859 1,330 milles (2,463 kilom.) d’une seule traite, et en 1853 1,220 milles ou 2,259 kilomètres en 105 jours, Kennedy et Bellot 2,037 kilomètres en 79 jours ? Le lieutenant Mecham, en 1854,