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de ce côté il y a des déceptions qu’il eût été pourtant bien naturel de prévoir, ce n’est point nous qui voudrons leur faire violence et les tirer hors du huis clos des épanchemens intimes. Nous aborderons les choses au point de vue le plus actuel, le plus pratique, le plus simple. Combien d’hommes employons-nous au Mexique ? Que nous coûtent-ils chaque année ? Combien de temps pouvons-nous continuer au profit d’une idée fausse ou d’une idée juste, mais si excentrique à la sphère de nos intérêts, une semblable subvention annuelle en hommes et en argent ? Nous voulons bien que nos 30,000 hommes ne vous coûtent que le pied de paix de France, avec les frais de transport, et que le surplus soit à la charge du Mexique : c’est encore, sans compter le sang versé et les ravages des maladies, de 40 à 50 millions par an. Mais les frais extraordinaires de guerre, est-ce bien le Mexique qui est destiné à les supporter ? On connaît les ressources du Mexique, on connaît son budget. Le gouvernement mexicain dépense chaque année 40 millions de piastres, et son revenu ordinaire ne s’élève pas à la moitié de cette somme. Il y a donc chaque année un déficit d’au moins 100 millions de francs. Le pauvre empereur Maximilien ne possède point les moyens de trésorerie connus en Europe ; il n’y a pour lui qu’une façon de remplir son déficit annuel d’une centaine de millions : il faut qu’il emprunte cette somme sur émission de titres soumis à un amortissement rapide. Ces titres, il ne peut les placer qu’en France sous l’aspect d’un système d’énormes loteries qui est la corruption même du crédit, et sous le patronage manifeste de notre administration financière. Nous n’avons donc point seulement à dépenser 40 ou 50 millions par an aux frais du trésor public pour entretenir cette aventure mexicaine ; il faut encore que l’établissement de l’empereur Maximilien, sous peine de périr de famine et d’anémie foudroyante, trouve encore à prélever sur les capitaux français, sous forme d’emprunt, 100 millions effectifs par an. La question qui est donc posée en ce moment au gouvernement et à la chambre est celle-ci : pendant combien d’années voudra-t-on persévérer dans cette étourderie gigantesque et déjà trop prolongée ? Par quel chiffre d’années se figure-t-on qu’on pourra multiplier les 50 millions que le Mexique coûte au trésor et les 100 millions qu’il emprunte au capital français ? Mais d’une part les partisans de l’occupation du Mexique par la France prétendent, avec raison suivant nous, que, pour que notre œuvre ait quelque chance vraisemblable de réussite, il faut que nous restions au Mexique jusqu’à ce que nous y ayons frappé à notre effigie une génération nouvelle ; il faut que nous attendions que ceux que nous avons trouvés enfans dans ce pays y soient devenus des hommes. D’un autre côté, les emprunts mexicains qui ont été placés jusqu’à présent, ont été pris par le public avec une arrière-pensée à laquelle il nous paraîtrait difficile et même peu juste de donner un démenti catégorique. Les souscripteurs de ces emprunts se sont dit : Après tout, nous secondons une entreprise de notre gouvernement ; si cette en-