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sacrifices des particuliers pour des œuvres d’utilité générale. Les personnes dont la bienfaisance est éclairée seront disposées à enrichir l’école de leurs dons, parce qu’elles savent que la commune en profitera seule. Peu d’hommes feront un legs ou une donation en faveur de la nation, parce qu’il semble que c’est apporter une goutte d’eau à l’océan. Il y en aura davantage qui donneront à l’école du voisinage, parce qu’ils la connaissent, qu’ils en apprécient l’avantage et qu’avec peu d’argent on obtient un grand résultat. Faire du bien à ses semblables n’est point chose facile quand on veut éviter d’affaiblir en eux le ressort salutaire de la responsabilité : or donner à l’école est un moyen qui ne présente point de danger, car instruire l’enfant, c’est préparer l’homme à se suffire. Les fondations, il est vrai, constituées comme elles l’ont toujours été en Europe, offrent un grand danger et donnent lieu à d’inévitables abus. Gérées par des administrateurs spéciaux que le fondateur désigne une fois pour toutes ou par des commissions qui se recrutent elles-mêmes, elles échappent au contrôle indispensable de l’opinion publique, végètent dans la routine, cessent de répondre aux besoins nouveaux, et, obstinément attachées aux traditions du passé, se transforment en foyers d’opposition à tout progrès, à toute réforme. Elles provoquent ainsi l’animadversion violente des générations nouvelles et elles la méritent. Il ne reste plus alors qu’à les supprimer comme les nations européennes ont supprimé les corporations religieuses, ou à les modifier profondément comme l’Angleterre a entrepris de le faire pour ses fondations d’enseignement, — dont la dernière enquête de 1861 a révélé les nombreux et intolérables abus. Au Canada, comme aux États-Unis, on est parvenu à éviter ces dangers par une mesure bien simple. On a confié la nomination des administrateurs des fondations scolaires au suffrage des citoyens. De cette façon, on combine la stabilité des institutions du passé avec la mobilité que réclament les transformations des sociétés modernes. On assure la perpétuité de l’école sans la livrer à l’empire de l’esprit rétrograde, et l’on est certain qu’elle répondra toujours aux besoins du présent.

En matière d’enseignement, la loi organique canadienne ne s’est pas fiée complètement à l’initiative des communes ; elle arme le pouvoir central contre leur inertie, parce qu’il s’agit d’un service d’intérêt général. Si les électeurs négligent de choisir des commissaires d’école, le gouvernement les nomme d’office à la requête du surintendant de l’instruction, et ces commissaires ont le droit de taxer les contribuables comme s’ils avaient été élus par eux.

Comment réunir les fonds nécessaires à l’enseignement public ? C’est là un point capital qui a été réglé au Canada avec beaucoup