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paiemens en or diminuait la valeur réelle de leur circulation, le rapport de leur émission à leur garantie monétaire était rentré dans des proportions plus sages, et leurs opérations gagnaient en sûreté ce qu’elles perdaient en étendue. Elles faisaient donc encore une concurrence dangereuse au trésor, dont la promesse pure et simple ne pouvait valoir la sécurité matérielle offerte par les banques locales.

C’est alors que M. Chase organisa les banques nationales, et fit voter au congrès l’acte du 25 février 1863 intitulé « acte pourvoyant à la création, à la circulation et au rachat d’une monnaie nationale garantie par des fonds des États-Unis. » On offrit aux banques privées de transformer leur réserve métallique en une réserve de papier, bénéficiant ainsi de toute la différence entre l’or et le greenback. La garantie nouvelle devait être déposée au trésor fédéral en bons d’emprunt des États-Unis d’une valeur égale au moins à celle du tiers du capital des banques, en retour de quoi le trésor fédéral leur livrait des billets imprimés par lui pour une valeur égale aux neuf dixièmes des valeurs déposées. Ces billets portent la signature du trésor, qui répond lui-même des engagemens de la banque. Pour décider les anciennes banques à prendre le nouvel uniforme, on les accabla d’impôts ruineux ; on leur imposa une taxe d’un demi pour cent sur tous les dépôts faits chez elles, d’un pour cent sur l’ensemble de leur circulation, de deux pour cent sur leur circulation émise au-delà des neuf dixièmes de leur capital ; on les détermina enfin à placer leurs capitaux en bons des États-Unis par une taxe d’un demi pour 100 sur tous les capitaux placés autrement. En revanche, les banques nationales qui acceptaient le régime de la loi nouvelle étaient, par faveur spéciale et par acte d’autorité, exemptées de payer les impôts particuliers des états. C’étaient là de grandes tentations, surtout pour les banques obérées, qui, sans retirer un sou de leur émission, sans déprécier en rien la valeur courante de leurs billets, en la plaçant même sous la garantie du gouvernement et sous la protection du cours forcé, acquittaient leurs dettes, sortaient de leurs embarras et réalisaient en outre un bénéfice. L’exemple fut donné par les plus pauvres, bientôt suivi, répandu partout, et aujourd’hui plus de trois cents banques sont devenues des banques nationales[1]. Le nombre ne cessera de s’en accroître jusqu’à ce que leur émission totale s’élève à 300 millions de dollars, limite fixée par la loi. Tels sont les traits principaux de cette grande réforme financière de M. Chase,

  1. Une des banques de Philadelphie a pu distribuer ainsi à ses actionnaires un dividende de 110 pour 100.