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errante ; mais Piazzi la prit d’abord pour une comète. Il la suivit jusqu’au 11 février, jour où le mauvais temps interrompit ses observations, qu’une grave maladie l’empêcha de reprendre.

Piazzi avait, dès le mois de janvier, annoncé sa découverte à Bode et à quelques autres savans ; mais ses lettres n’arrivèrent que deux mois après, quand le nouvel astre était perdu dans les rayons du soleil. Bode fut persuadé qu’il s’agissait ici d’une nouvelle planète, opinion à laquelle Piazzi finit par se ranger aussi ; mais il fut impossible de retrouver la fugitive, et l’on dut se résigner à attendre jusqu’à l’automne suivant.

Comment faire pour revoir Cérès (c’est le nom que Piazzi donnait à sa planète) lorsqu’elle sortirait du voile de lumière qui la cachait ? Il aurait fallu calculer son orbite d’après six semaines d’observations seulement, problème tout nouveau dans la pratique astronomique. Beaucoup d’essais furent tentés dans cette voie ; mais la discordance des divers résultats obtenus fut si grande, que plus on allait et plus on perdait l’espoir de retrouver la planète entrevue par Piazzi.

Parmi ceux qui avaient entrepris de déterminer la route de Cérès dans le ciel se trouvait un jeune homme obscur, un débutant, Charles-Frédéric Gauss, de Gœttingue. Il avait résolu le problème à sa manière et publié les résultats de son calcul, mais les astronomes y prêtèrent fort peu d’attention. Seul, le savant médecin Olbers, astronome dans ses heures perdues, avait examiné le mémoire de Gauss, en avait apprécié toute la portée, et l’avait pris pour base de ses recherches. Il n’eut qu’à s’en louer, car le 1er janvier 1802, un an jour pour jour après sa première découverte, Cérès fut retrouvée par le médecin de Brème, et prit son rang définitif parmi les planètes, car, la forme et les dimensions de son orbite une fois connues et fixées, il n’y avait plus à craindre qu’elle pût se perdre. On s’imagine sans peine combien les partisans de la loi de Bode durent être satisfaits. La grande lacune était donc enfin comblée, car le hasard avait voulu que la distance de Cérès au soleil se trouvât être à très peu de chose près celle que lui assignait cette loi tout empirique.

La nouvelle planète était douée d’un éclat si faible qu’elle devait toujours se dérober à la simple vue : c’était une planète essentiellement télescopique. Pour en faciliter à l’avenir la recherche au milieu des étoiles, Olbers avait commencé à construire des cartes célestes très complètes, où il inscrivait une foule de petites étoiles. En les comparant avec le ciel, il aperçut un jour (le 28 mars 1802) une petite étoile qui n’avait pas encore été vue à cette place, et il n’eut pas de peine à s’assurer qu’elle possédait un mouvement propre très prononcé. Évidemment c’était là encore une planète : Olbers lui donna le nom de Pallas ; mais cette découverte, à laquelle personne assurément ne s’attendait, jeta le trouble parmi les astronomes. Entre Mars et Jupiter, la place était prise ; où placer la nouvelle venue ? On la mit dans les comètes. La forte inclinaison de son orbite semblait justifier cette découverte, il se trouva même un témoin, Schrœter, qui déclara