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pour les électeurs ; ils ont des districts électoraux qui, avec moins de trois cents électeurs, nomment deux membres au parlement et des districts de dix et vingt mille votans qui n’élisent également que deux représentans. Pour bien réformer, il faudrait porter au moins partout à la fois la réforme ; il faudrait réduire le cens électoral pour introduire la démocratie dans la vie politique, et il faudrait en même temps faire un nouveau partage des collèges électoraux, de telle sorte que la représentation fût mieux proportionnée à l’importance numérique des populations. Or on assure que le projet de lord Russell ne résoudra que la moitié du problème, la question du cens, et laisserait à l’avenir l’œuvre d’une nouvelle distribution des districts électoraux. Lord Russell garderait les cadres tels qu’ils sont ; il se contenterait d’en ouvrir l’accès aux classes laborieuses en abaissant le loyer qui confère le droit électoral de 10 livres à 6 dans les bourgs et de 50 livres à 15 dans les comtés. Cette idée d’une demi-réforme appelle dès à présent la défaveur sur le projet du ministère ; elle soulève de nombreuses et solides objections parmi les libéraux aussi bien que dans le camp des conservateurs. Rien n’est donc moins certain que la durée du cabinet anglais ; les dissidences d’opinions et les rapprochemens de personnes peuvent amener des évolutions et des combinaisons de parti singulières.

L’Italie inspire aujourd’hui à ses amis du dehors une anxiété qu’il est inutile de dissimuler. Le parlement de Florence consentira-t-il à prendre d’accord avec le gouvernement les mesures nécessaires pour subvenir aux engagemens financiers du pays et relever le crédit italien ? Le parlement laissera-t-il vivre le ministère actuel ? Voilà les questions qui tiennent en suspens les amis de l’Italie. La responsabilité du parlement italien est des plus graves. Avant tout, c’est le péril financier qu’il faut conjurer. Les dissidences intérieures et les prétentions extérieures, quelque fondées que puissent être les unes et les autres, doivent être subordonnées à l’intérêt dominant de l’ordre financier. Si le parlement ne vote pas promptement les ressources indispensables, si la nation n’est pas prête à s’imposer les sacrifices les plus patriotiques, on ouvre la voie à toute sorte de tristes désordres et d’humiliantes défaillances. La destinée de l’Italie, on devrait en être persuadé à Florence, se joue sur une question de budget. Quand on est sous le coup d’une préoccupation si pressante, est-ce en vérité le moment de se livrer au jeu des incessantes crises ministérielles ? Sans doute il est difficile de former un ministère qui puisse complètement satisfaire le parlement et le pays. C’est un malheur qu’il n’y ait pas en Italie une réunion d’hommes d’état animée d’une résolution assez forte, investie d’une autorité morale assez puissante, pour conquérir et entraîner la confiance nationale ; mais enfin, puisque ce malheur est un fait qu’il n’est point possible de supprimer en un jour, les Italiens n’ont d’autre parti à prendre que de s’imposer les taxes nécessaires, d’établir l’indépendance de leurs finances, de se sauver enfin eux-mêmes avec des cabinets mé-