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une dépêche soumise aux cortès, si le pape rejette les moyens qu’on lui donne, s’il ne veut pas se débarrasser de la plus grande part de sa dette en la faisant endosser par l’Italie, s’il ne veut pas négocier avec l’Italie et s’il persiste à la traiter en ennemie, s’il ne s’organise pas une armée, s’il ne réforme pas son administration et ne donne pas certaines satisfactions aux aspirations de ses sujets, la France dégage sa responsabilité des conséquences. La France peut aider le pouvoir temporel à vivre, elle ne peut l’empêcher de se suicider. » Tandis que, pour résister à l’engagement inconditionnel qu’on lui demandait, le ministre français se plaçait au point de vue des fautes possibles de la papauté temporelle, le chef du cabinet italien, le général La Marmora, dans la ferme dépêche qu’il vient d’adresser au gouvernement espagnol, revendique avec dignité les droits imprescriptibles des populations romaines. « Je ne puis me dispenser, dit-il, de me prononcer en principe sur les démarches du gouvernement de sa majesté la reine, qui viennent d’acquérir une notoriété officielle, car elles s’inspirent d’une doctrine qui est la négation même de notre droit public, celle d’après laquelle le territoire et la population de Rome seraient frappés d’une espèce de mainmorte au profit de la catholicité, et elles tendent à préjuger une épreuve dont le résultat doit dépendre des populations romaines. » Les cléricaux, si bien représentés en cette circonstance par la diplomatie espagnole, n’ont pas le droit de se plaindre de ces répliques, puisqu’ils les provoquent eux-mêmes par leurs indiscrètes exigences.

Au milieu de ce désarroi universel, l’opposition libérale au corps législatif peut rendre à la France d’éminens services en profitant de l’occasion du débat de l’adresse pour imprimer à l’esprit public une direction qui lui fait manifestement défaut, et dont il saura tenir compte à ceux de qui il la recevra. L’esprit public demande la clarté, la lumière ; il a soif de franchise. Nous augurons bien du rôle que jouera au corps législatif l’opposition libérale. Les premiers débats de la session, bien qu’ils eussent des objets secondaires, des questions d’élection, ont présenté de favorables symptômes. Tout le monde a remarqué que les orateurs qui ont pris part au débat de ces questions, MM. Buffet, Lanjuinais, Segris, en s’opposant aux conclusions de la majorité, ont eu pour eux l’avantage de la logique et de la bonne tradition. Leur attitude et leur langage avaient en quelque sorte, la véritable couleur gouvernementale. Aucune aigreur personnelle ne se mêlait à ces discussions, puisqu’il s’agissait de l’élection de personnes aimées ou estimées, telles que le président même de la chambre, M. Walewski, et M. Larrabure, l’auteur d’un rapport très applaudi sur les crédits, supplémentaires où étaient jugées, il y a deux ans, avec une prévoyance, très sensée, les conséquences financières des expéditions lointaines, et notamment de celle du Mexique. Les torts que, suivant l’opposition, l’administration s’était donnés à propos de ces élections étaient surtout des torts de forme. On pardonne trop facilement en France les torts de ce