Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/960

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre, en 1860, était de 445,000 âmes[1], suivant les calculs de M. le général de Fadeief. Ce nombre diffère assez sensiblement en moins de celui qu’énonce l’auteur des Souvenirs d’un officier de l’armée du Caucase, qui compte 128,800 individus de race abaze, et 500,000 Tcherkesses ou Adighés proprement dits, en tout 628,800 ; mais comme ces souvenirs, quoique publiés récemment, sont vieux d’une vingtaine d’années, il est probable qu’ils portent en ligne de compte des tribus qui postérieurement avaient fait leur soumission, et que par conséquent M. de Fadeief n’a pas dû énumérer parmi celles qui étaient hostiles au moment où la lutte commença. D’après les rapports qui semblent le plus exacts et qui sont le plus généralement admis, le nombre des combattans s’élevait de 60 à 65,000, ayant à faire face à une armée trois fois plus considérable, composée des meilleurs régimens du Caucase.

Pour compenser une infériorité numérique aussi marquée, les montagnards avaient, il est vrai, les avantages d’une forte position, presque inattaquable sur plusieurs points, au milieu des rochers et des forêts, dans des déniés ou sur des hauteurs abruptes, dans des lieux où la seule manière possible de combattre est la guerre de surprises et d’embuscades ou un système d’engagemens partiels. Cependant il existait une cause d’affaiblissement et de ruine qui avait usé en eux le principal ressort de la résistance, qui les rendait impuissans contre les chocs réitérés de masses disciplinées, et dont l’effet devait être inévitablement de les livrer dans un espace de temps assez court entre les mains de leurs ennemis. La désunion s’était introduite depuis cent cinquante ans environ dans la société tcherkesse, et, à l’époque où nous transportent ces derniers événemens, avait fini par la désorganiser entièrement. Jadis elle était régie par un gouvernement féodal qui maintint indissoluble pendant des siècles le lien fédératif qui unissait l’une à l’autre les différentes tribus. Chacune d’elles avait à sa tête une famille en qui le pouvoir était héréditaire, transmissible de l’un de ses membres à l’autre, sans passer directement de père en fils, et qui avait sous sa

  1. Voici comment ce nombre est décomposé par l’écrivain russe :
    Abadzekhs 140,000
    Grands et petits Schapsougs 120,000
    Natoukhais 60,000
    Mokoschs, Egheroukhais, Temirgoï, Beslenei, Cabardiens libres, Hatoukhaïs 40,000
    Bjedoukhs 30,000
    Oubykhs 25,000
    Abazes des deux versans de la chaîne 30,000
    Total 445,000