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plus savantes que beaucoup de nos jeunes filles riches, l’éducation des femmes n’étant pas moins solide ici que celle des hommes. Elles ressemblent d’ailleurs pour les manières, pour la tournure, pour le langage même, à de véritables dames, et l’on raconte plaisamment que la fondation de cette école fut combattue, dans le conseil de ville, par tous les pères, qui craignaient de voir leurs fils se choisir là des femmes. J’ai vu à l’école des garçons des jeunes gens de quinze ans résoudre des problèmes trigonométriques, ou expliquer couramment du Virgile. Peut-on s’étonner qu’après cela ils gardent toute leur vie cet immense intérêt qu’on remarque ici dans toutes les classes pour les choses littéraires ou scientifiques, que le soir, pour se reposer de leurs affaires, des boutiquiers aillent entendre M. Agassiz parler sur les glaciers, ou M. Emerson faire, avec beaucoup d’esprit sans doute, et même quelque profondeur, mais sur un ton monotone et hésitant, une lecture sur l’éternel sujet de l’éducation ? J’étais au nombre de ses auditeurs, et je dois avouer que j’ai trouvé la séance un peu longue. Le public pourtant semblait charmé, et se pressa après le discours autour du lecturer en manière de félicitation muette. Les femmes étaient venues en grande foule à ce specta.de, qui n’avait rien de frivole. C’est qu’elles ont ici un rôle bien, supérieur ii celui que nous leur attribuons. L’enseignement est leur domaine, les travaux de cabinet leur sont réservés. Sur 600 maîtres environ qu’emploient les écoles de la ville, il y a plus de 500 femmes. Dans les bibliothèques publiques, sauf les chefs, qui ont barbe au menton, le service est fait par des jeunes filles. Dans les administrations publiques, au greffe du palais de justice, aux archives générales, elles sont employées comme expéditionnaires et copistes. Rien de plus étrange pour un Européen que de voir ces petites figures souriantes dans ces lieux austères. À la porte du cabinet de l’attorney de district attaché à la cour fédérale qui siège à Boston, j’ai trouvé assise à un bureau, non pas un huissier, non pas un commis, mais une toute jeune fille qui m’a introduit dans le cabinet du magistrat. Franchement ces choses ne seraient pas possibles chez nous, elles nous paraîtraient scandaleuses, à tout le moins elles nous prêteraient à rire. Tant pis pour nous : personne ici n’y entend malice.

Mais revenons aux écoles publiques. La ville de Boston en est justement fière, et il n’y a, dit-on, que celles de Philadelphie qui puissent soutenir la comparaison. La ville y dépense chaque année 800,000 dollars ; la moyenne des frais par an et par tête d’élève n’était, il y a dix ans, que de 12 dollars environ : elle est à présent de 15 dollars et 77 cents. Cette grande institution n’est d’ailleurs pas la seule que la ville ait fondée ; il faut y ajouter toutes