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la grande insurrection du IIIe siècle, on s’explique que l’épitaphe de l’individu enterré dans le Jardin du Grenadier veuille constater, à son honneur, qu’il a contribué de ses deniers à élever un centenarius n’importe où sur le territoire africain. Au reste, à mesure qu’on a mieux étudié les ruines diverses que M. Hanoteau et le docteur Leclerc ont les premiers signalées dans la tribu des Aït-Iraten, on s’est assuré que ces vestiges du passé étaient des tombeaux, situés tous sur le versant qui regarde Djemâ-Sâridj. Il en est ainsi des ruines trouvées sur la place du Marché, au village de Souk-el-Tléta, ainsi de celles qu’on remarque près des villages d’Akbou et de Bou-Sahel, ainsi encore du petit monument nommé Takbout[1], sur le chemin d’Iril-Guefri à Tala-Amara, où l’on avait en voir d’abord les restes d’un poste romain. Non loin de Takbout, sur le monticule d’Abekkar, derrière un rempart séculaire d’oliviers, se montre la ruine la mieux conservée du pays, avec des murs hauts de 3 mètres et des pierres de taille aux angles et au soubassement ; c’est encore un tombeau, élevé sans doute par quelque riche famille de Djemâ-Sâridj ; — et si vous demandez à qui appartiennent le terrain d’Abekkar et le Jardin du Grenadier, on vous apprendra qu’ils ont éternellement formé le domaine de la famille Abekkar, qui prétend, comme la famille des Aït-Bida, remonter jusqu’au temps des Romains.

Donc, sur la rive gauche du Sébaou, dans la vraie Kabylie du Djurdjura, chez les Zouaouas et les Aït-Iraten, point de trace d’occupation militaire romaine au sein de la montagne. Sur la rive droite, et en se rapprochant de la mer, les ruines se montrent plus fréquentes. A Imakouda notamment, chez les Aït-Ouaguenoun, apparaissent les débris d’une citadelle, et chez les Aït-Roubri, près du village de Chebel, les quatre faces d’un fortin rectangulaire long de 60 mètres sur 50 de large, et dont les angles s’avancent légèrement en saillie. C’est également l’apparence d’un petit fort à quatre faces et de dimensions analogues qu’offrent les ruines sises à Ksar-Kebouch, où l’on croit devoir placer l’étape de Ruha, indiquée par l’itinéraire peutingérien.

Que les Romains eussent édifié à Ksar-Kebouch un poste militaire ou un caravansérail servant d’étape sur la route de Djemâ-Sâridj à Bougie, c’est possible. Tout à côté les soldats français, bien avant d’être maîtres du Djurdjura, élevaient et occupaient le fort de Taourirt-Iril. Faut-il dire cependant qu’une construction, même reconnue comme romaine, représente absolument en Kabylie un

  1. Les Kabyles donnent généralement le nom de takbout à toute construction de forme carrée surmontée d’une espèce de dôme.