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pouvait disputer ; l’autre de terre, le long de la côte, que confirment à la fois l’itinéraire d’Antonin, les cartes de Ptolémée et de Peutinger, et que jalonnent encore des ruines monumentales sur certains points cités par les géographes comme d’anciennes colonies maritimes. Le village kabyle actuel de Zeffoun (l’ancien Rusazus) est entièrement construit avec des pierres taillées datant de l’époque romaine ; deux villes antiques s’y reconnaissent, la ville maritime et la ville intérieure, celle-ci dominant et défendant l’autre. Dans la ville basse se voient les vestiges d’un quai sur le rivage et d’une jetée sous l’eau ; des mosaïques, des chapiteaux et fûts de colonnes, un beau fragment d’une statue en marbre blanc, y ont été recueillis ; les restes de deux tours carrées et d’un rempart en crémaillère enveloppant un château-fort attestent certainement qu’on s’y regardait comme menacé. La ville haute porte trace de plusieurs magasins voûtés, d’un temple ayant plus de 20 mètres de côté, de quelques fortifications qui enceignent encore la bourgade kabyle, enfin d’un aqueduc considérable qui apportait les eaux des hauteurs voisines. A Taksebt (l’ancien port de Rusubezer) et à Tigzirt (l’ancien port d’Iomnium), se rencontrent des ruines intéressantes et analogues ; les Kabyles n’y remuent guère le sol sans toucher à des restes de constructions romaines. La route jalonnée par ces débris a beau n’être actuellement praticable qu’aux piétons et aux bêtes de somme, elle reliait jadis des colonies importantes, et les Romains, toujours vigilans pour leurs établissemens du littoral, ne pouvaient manquer de mettre un soin particulier à l’entretenir. Quant aux deux itinéraires qui coupent la montagne par Ksar-Kebouch et Akfadou, on les trouve semés aujourd’hui même de difficultés sérieuses ; quels périls plus grands n’offraient-ils pas au passage des colonnes, alors que le Djurdjura, suivant la tradition et les descriptions anciennes, se montrait couvert de forêts épaisses, abris certains des embuscades kabyles ? Les prœpositi étaient-ils en paix avec la montagne, ils avaient tout intérêt à ne pas aventurer leurs troupes sur des chemins difficiles où elles auraient imprudemment défié des populations intraitables ; était-on en guerre, pourquoi penser, quand rien ne le prouve, que les cohortes impériales, que nous avons vues sous un chef comme Théodose reculer devant le pays des Jubalènes, aient en d’autres temps réussi à suivre les deux itinéraires qui traversent une partie du massif jubalénien et à en franchir les redoutables défilés ?

La campagne de 1857, en ouvrant aux recherches archéologiques l’accès du Djurdjura, a fait justice des prophéties qui prédisaient la découverte au sein de la montagne de fortifications romaines importantes : pas une ruine de ce genre, pas une trace de camp