Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/883

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un mouvement rétrograde que l’impétuosité des masses ennemies change bientôt en déroute, et il se croyait voué à la mort avec tous ses soldats quand des renforts utiles vinrent protéger sa retraite. Se vengeant, il est vrai, sur les Abennes (fraction actuelle des Aït-Boudrar), il repousse victorieusement leurs attaques ; mais lorsqu’il prétend envahir leur pays, « des avis sûrs l’informent que les barbares occupent des crêtes entourées de précipices qu’on ne saurait aborder sans en connaître à fond les détours. » Il bat donc de nouveau en retraite ; l’ennemi se rue alors sur lui « avec d’effroyables clameurs, » et, contenant ses propres troupes, prêtes à reprendre témérairement l’offensive, Théodose cherche son salut dans une vive manœuvre de flanc qui le dérobe.

Firmus cependant se montre partout où est le danger. Quand les Romains dirigent contre les Isaflenses (nos Flissas d’aujourd’hui) deux campagnes successives où la désertion même vient appauvrir leurs rangs, Firmus est encore là. Son frère Mazuca tombe blessé entre les mains ennemies, et, pour n’y pas rester vivant, déchire ses plaies avec ses ongles ; mais Firmus semble invulnérable et imprenable. Un jour entre autres où Théodose, fidèle à sa tactique, attire les barbares dans la vallée, ceux-ci amènent en ligne vingt mille hommes avec des forces en réserve destinées à envelopper les légions. Les Romains ont beau « serrer leurs rangs, unir leurs boucliers en forme de tortue, faire de leurs corps un rempart inébranlable, » la nuit couvre à propos leur échec, et durant tout le jour Firmus, sur un cheval de haute taille, s’était avancé jusque devant leur front pour les sommer avec bravade de lui livrer leur général. C’est bien l’orgueilleux Kabyle qui ne doute de rien. Il nous rappelle le héros de ce petit conte moderne qu’on aime à répéter dans le Djurdjura : « Un homme de la tribu des Aït-Djennad passait à gué le Sébaou que les pluies avaient grossi. Entraîné par le courant, le Kabyle ne s’effraie pas, mais se fâche, et, tirant son sabre, il dit au fleuve : Est-ce que par hasard tu oserais engloutir un citoyen des Aït-Djennad ? »

A considérer dans leurs mouvemens divers ces Quinquegentiens qui s’élancent au combat avec des cris sauvages, poussent des attaques nocturnes contre le camp de Théodose, ou se ruent tête baissée sur les derrières de l’ennemi en retraite, on croit vraiment voir nos Kabyles du Djurdjura dans la lutte. Voilà bien ces mêmes hommes o si habiles jadis à lancer des traits, » et qui tirent aujourd’hui avec tant de justesse ! Leurs cris de guerre, il nous en souvient, et l’on n’oublie point, quand on l’a entendue, cette clameur immense qui, le 24 juin 1857, s’éleva soudain de derrière les barricades d’Icheriden, comme le signal de la fusillade meurtrière qui allait suivre. Les attaques de nuit, c’est toujours leur usage, et lorsque dans les